Les Anciens avaient inventé la Démocratie
Les Modernes y ont ajouté la Liberté
Nous sommes responsables des deux...

mardi 22 avril 2008

Principe de précaution

La loi française de 1995, définit ainsi le principe que je me propose de discuter ici :

"L'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles […] à un coût économiquement acceptable."

Sur la base de ce texte, et/ou de l'article 130 du Traité de l'Union Européenne qui dit la même chose en substance, un certain nombre de personnes, et non des moins influentes, prêchent vigoureusement pour le vieil adage "Dans le doute, abstiens-toi". En d'autres termes, dès qu'on aborde un sujet nouveau ou une nouvelle technique, et par conséquent au sujet desquels on n'a pas d'absolue certitude quant aux "effets secondaires" possibles, il parait qu'il est urgent de ne rien faire...

Je suis évidemment d'accord pour dire que la prudence doit être érigée en principe, surtout lorsqu'on manipule des éléments ou des concepts susceptibles de comporter des risques importants pour les individus ou pour l'environnement. Pour s'en convaincre, il n'est qu'à se rappeler les contre-exemples du sang contaminé ou de l'hormone de croissance.

Mais prudence ne signifie pas immobilisme, et avec cette lecture du principe de précaution, Louis Pasteur n'aurait pas pu expérimenter son vaccin contre la rage, Fleming n'aurait jamais osé tester la pénicilline sur l'homme, on n'aurait jamais envoyé un être humain dans l'espace, et les techniques de procréation médicalement assistée seraient restées dans les cartons des chercheurs. Qui sait même si l'on aurait osé se risquer à des greffes d'organes (et si on allait créer des monstres !) ?... Il me semble donc que l'on s'englue dans un luxe de précautions passablement paralysantes et pour la plupart sans aucun fondement scientifique.

L'affaire la plus emblématique en relation avec le principe de précaution, en France actuellement, est ce psychodrame qui concerne les organismes génétiquement modifiés (OGM). Il s'agit essentiellement de productions agricoles, céréales notamment, qui ont subi de la main de l'homme, dans des laboratoires de recherche, une ou plusieurs modifications de leur génome, c'est à dire de leur ADN, dans lequel on a introduit artificiellement des gênes qui leur sont étrangers, provenant soit d'autres plantes soit même du règne animal. Ces modifications génétiques sont destinées, soit à améliorer les rendements, soit à lutter contre des maladies, soit encore à éloigner des prédateurs (insectes principalement).

Ca fait des siècles que l'on fait de la "manipulation génétique" sans le savoir : ça s'appelait la sélection ou l'hybridation. Seulement, on le faisait par des méthodes qui laissaient à penser que tout cela était naturel, puisqu'il s'agissait simplement d'aider des espèces différentes à se croiser entre elles, soit dans l'agriculture soit dans l'élevage. Rien de "sulfureux" en apparence.

Ici, il en va tout autrement, puisque ces modifications du génome ne s'opèrent plus de façon "naturelle", mais dans des laboratoires, dans des éprouvettes, sous des microscopes, autant d'engins "exotiques" pour la plupart des gens, et "qui font peur", consciemment ou pas, au commun des mortels. En tout cas, tout ça ressemble fort à de l'alchimie, et on sait ce qu'est arrivé à Nicolas Flamel par exemple...

Alors, conséquence de tout cela, par crainte réelle ou pour des raisons plus politiques dans le plus mauvais sens du terme, un nombre non négligeable de personnes se sont dressées contre la culture et l'utilisation de ces OGM, se sont organisées en associations et en syndicats, ont réussi à convertir à leurs idées des personnalités influentes, et tout ce beau monde, au nom notamment du fameux principe de précaution, s'oppose par tous les moyens, y compris par la force et dans l'illégalité la plus complète bien souvent, à la culture de ces nouvelles variétés.

En Europe, et en France en particulier, ces cultures ne sont aujourd'hui autorisées que sous l'angle expérimental, mais déjà dans le reste du monde elles sont très largement cultivées, par des agriculteurs dont les coûts d'exploitation, du fait même des modifications génétiques dont nous parlons, sont drastiquement diminués par le fait qu'ils ont à utiliser beaucoup moins de traitements et autres insecticides. C'était le but de l'opération et il est parfaitement atteint. Or, malgré ces cultures à grande échelle, on n'a pas à ce jour constaté d'accident, d'épidémie ou autre catastrophe liés aux OGM. Même si ce n'est pas une "preuve par défaut" comme tentent de le faire admettre abusivement les semenciers, cela introduit un doute bien plus que raisonnable sur la nocivité de ces cultures. L'adoption de "mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles" semblent donc hors de propos. Et pourtant, on en est encore au point où, en France, les cultures OGM sont quasiment interdites, par crainte de contamination des autres cultures. Non seulement nos agriculteurs sont ainsi les otages de ce fameux principe de précaution, et sont fragilisés sur les marchés mondiaux par manque de compétitivité, mais, encore bien pire, nous laissons les chercheurs d'autres pays mettre au point les nouvelles semences, encore plus pointues du point de vue du génie génétique, et qui feront l'agriculture du 22° siècle.

La principale précaution qui me paraisse indispensable et urgente à prendre en la matière, c'est d'oublier le principe de précaution, qui est en train de nous faire plonger dans les abysses de la non-compétitivité, d'un point de vue économique comme d'un point de vue scientifique. Nous somme devenus un peuple qui a peur de tout, et un peuple qui a peur est un peuple qui n'avance plus, et donc qui recule...


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jeudi 17 avril 2008

Francophonie moribonde

Je viens d'apprendre par hasard (je ne me préoccupe pas habituellement de l'actualité de la chanson) que notre "représentant" au concours annuel de l'Eurovision, Sébastien Tellier, le fera ... en anglais !

C'est proprement scandaleux, et au-delà de la question de savoir s'il existe une possibilité légale de s'y opposer, et dans ce cas il serait impératif de ne pas s'en priver, monsieur le ministre Joyandet, il faut absolument rappeler à Patrick de Carolis, patron de France Télévision, maître d'oeuvre en la matière, que la langue est un élément incontournable, non seulement de la culture, c'est une évidence, mais aussi de l'indépendance nationale, et qu'en conséquence pèse sur ses épaules une écrasante responsabilité dont il ne saurait aucunement s'exonérer par quelque stratagème que ce soit...

Les question linguistiques sont lamentablement méprisées à tous les niveaux, en France comme en Europe, en rupture totale pour cette dernière avec la devise de ses Pères Fondateurs : "Unis dans la diversité". La diversité en Europe, c'est particulièrement la pluralité de langues. Or, on a vu récemment la langue anglaise devenir officiellement "lange commune" de l'Union, plusieurs pays membres sont en cours d'anglicisation de fait, et pour ce qui concerne la France, force est de constater que nos amis québécois font mille fois plus que nous pour la francophonie, notamment en faisant une chasse systématique aux anglicismes que nous cultivons ici sans vergogne ! La France et les Français, à commencer par leurs médias bien entendu, en tant que vecteurs culturels, devraient avoir honte d'un tel comportement. Et les autorités également, qui ne lèvent jamais un petit doigt pour le combattre...

PS : Je viens de découvir un excellent article sur le sujet chez
Criticus. Je vous invite à le consulter.


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dimanche 13 avril 2008

Courage ... reculons !

En 1995, les analystes politiques ont prétendu à la quasi-unisson que Jacques Chirac avait été élu en grande partie grâce aux "déçus du socialisme". L'analyse vaut ce qu'elle vaut. Je pense pour ma part qu'une bonne partie des sympathisants socialistes de 1981-réformés version 1988- avaient entre temps compris que leur "mentor" s'était servi du mot (et du parti du même nom qu'il avait créé à cet effet) pour les amener aux urnes à la fois sur son nom et sur un projet qu'il savait d'avance ne pas pouvoir tenir. De fait, nous avons été un certain nombre à constater avec une certaine (raisonnablement bonne) surprise que ce "François II, Souverain des Français" savait échapper à pas mal des vieux démons de son "peuple de gauche", hérités de feu la SFIO, et qu'il avait un certain talent pour faire avaler des couleuvres à ses troupes. Mais tout a une fin, et celle du Maître étant proche, ses disciples se sont égayés, et fourvoyés dans les méandres du leurre chiraquien...

En 2002, et malgré un passage à Matignon somme toute pas trop calamiteux, exception faite de quelques grosses bourdes nées de l'idéologie qui était et reste la sienne, son successeur désigné s'est trouvé balayé par un vent d'extrême droite qui ne fut à mes yeux que l'expression de la continuité, largement amplifiée, de la désillusion dont je parle plus haut. Sachant que Jacques Chirac en est l'un des premiers responsables, sa "gouvernance molle" étant venue y ajouter une impression d'incompétence. Plus il aurait fallu avancer, et plus il reculait... Il a néanmoins bénéficié "par défaut", au deuxième tour, de la peur panique qui s'était emparée d'une grande partie de l'électorat. J'avoue que pour ma part, et sans pourtant avoir eu peur (Le Pen ne peut pas être dangereux : il n'est pas assez crédible pour ça !), que dans la situation inverse, j'aurais évidemment voté Jospin (avec, quand même, un certain dégoût) pour éviter l'arrivée au pouvoir de ce représentant proclamé de la "peste brune". Je salue encore aujourd'hui le civisme des électeur socialistes qui ont voté Chirac dans le même état d'esprit. Ca n'était pas si facile...

Compte tenu de cet historique peu glorieux, l'élection présidentielle de 2007 était loin d'être jouée d'avance, et je suis convaincu encore aujourd'hui que si Jacques Chirac s'était présenté pour un troisième mandat, la candidate socialiste avait toutes ses chances, compte tenu du désenchantement, et de la désaffection inhérente, de la plupart des citoyens de ce pays. Heureusement, il n'en a pas été ainsi, et les talents de bretteur de Nicolas Sarkozy ont pu faire pencher la balance du bon côté, du moins de mon point de vue.

A ce stade, j'ai fait partie de ceux qui, non contents d'être satisfaits de l'élection de celui qui avait, et de très loin, le meilleur programme pour la France et les Français, mettaient également leur confiance dans sa capacité, qui semblait alors sans conteste, à mener à bien les réformes qu'il annonçait. On était en mai 2007, et presque un an a passé depuis.

Durant cette année qui vient de s'écouler, nous avons eu droit à tout et à son contraire. J'entendais ce matin un certain Patrick Devedjian faire l'éloge du gouvernement dont aucun autre "n'a fait autant de réformes en si peu de temps". C'est peut-être vrai, et je ne vais pas m'amuser à faire des statistiques sur le sujet, mais plus que sur leur nombre (celui des réformes), je préfère m'attacher pour ma part à leur qualité. Je ne vais pas non plus passer en revue tout ce qui a été fait (il faut bien reconnaître, en effet, que cela représente un certain volume de textes législatifs), mais je donnerai simplement ici mon sentiment général, qui est celui de beaucoup d'entre nous.Les réformes réalisées à ce jour l'ont été trop lentement, ont été à mon avis mal choisies quant à l'ordre de leur venue devant le Parlement (il y avait je pense plus urgent), et, sous prétexte d'une concertation d'ailleurs contestée par les intéressés et donc quasiment inutile, la plupart du temps exagérément édulcorées. En résumé, il fallait aller plus vite, aller à l'urgent, et aller (beaucoup) plus loin...Je ne dresse pas, cependant, un tableau totalement négatif de l'action gouvernementale. Beaucoup de choses ont été faites qui vont dans le bon sens, et il ne faut pas jeter le bébé avec l'eau du bain. Cependant, le sentiment d'impatience le dispute à une certaine dose de déception, et si on y ajoute la conjoncture internationale qui pèse sur l'économie et donc sur le pouvoir d'achat des ménages, une certaine "manière d'être" gesticulative et ostentatoire du Président, on obtient un cocktail détonnant qui explique selon moi sa chute dans les sondages d'opinion, lesquels ne valent bien sûr que pour ce qu'ils sont, et j'ai déjà écrit ce que j'en pensais, mais comme dit le bon sens populaire "il n'y a pas de fumée sans feu". La désillusion est latente, sinon avérée.

Et comme si ça ne suffisait pas, nous assistons depuis quelques semaines à une série de "reculades" spectaculaires. Des annonces sont faites "en rafale", et sans réflexion préalable suffisante je pense, par le Président ou par tel ou tel de ses ministres, y compris le premier d'entre eux. Puis que ce soit sous la pression de la rue, des syndicats, d'associations ou d'autres groupes de pression, très largement relayés par une presse avide, comme à l'accoutumer, de sensationnel, et qui "saute" sur la moindre occasion, surtout quand elle est d'opposition, nous voyons le Président "monter au créneau" et "trancher", selon la terminologie des médias. Trancher toujours dans le même sens, malheureusement ! C'est à dire à reculons...

Monsieur le Président de la République, Monsieur le Premier Ministre, Messieurs et Mesdames les ministres, vous et les parlementaires qui vous soutiennent n'avez pas été élus pour ça ! Vous avez été élus sur la base de programmes ambitieux et de projets de réformes précis et clairement énoncés, principalement dans le programme présidentiel. Vos électeurs et vous-mêmes saviez parfaitement que la mise en oeuvre de ces réformes ne serait pas une "promenade de santé" et que beaucoup d'entre elles seraient impopulaires.Monsieur le Président, nous vous avons entendu à plusieurs reprise dire haut et fort que "quand on recherche la durée, on n'a pas suffisamment de temps pour l'action". Nous avons tous compris que cela signifiait pour vous la volonté de réformer quitte à y perdre en popularité dans l'optique de 2012. Nous ne vous pardonnerons pas de mener votre action dans l'optique inverse ! Vous baissez dans les sondages ? Il y a des manifestations de rue ? La presse se déchaîne ? Les élections intermédiaires sont perdues ? Et alors ?... Les chiens aboient et la caravane passe, ai-je déjà écrit ! Je le répète ici...

Tous vos électeurs ont compté sur votre courage affiché pour mettre enfin en oeuvre la politique dont la France et les Français ont besoin et qu'ils attendent depuis plus de trente ans d'immobilisme et de d'assistanat sclérosant. Aucun d'eux n'est prêt à vous autoriser à reculer à la moindre contestation. Vous êtes au pied du mur. Pouvons-nous encore espérer en vous ?... Ou bien, treize ans après les déçus du socialisme, devrons-nous nous compter à notre tour, nous, les déçus du sarkozysme ?


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vendredi 11 avril 2008

La politique familiale

Je n'ai pas l'habitude de réagir "à chaud" par rapport à ce que je lis dans les "colonnes" de mes amis blogueurs, que je lis avec grand intérêt quand leurs propos sont pertinents, et il y en a beaucoup, de quelque bord politique qu'ils soient. Mais ce matin, je viens de lire deux ou trois billets qui me donnent particulièrement à réfléchir, au sujet de la place de la famille dans notre société, et de la politique familiale.Cela a commencé par un excellent article du Chafouin, relayé par Criticus, qui lui-même cite également Seb. Et je vous invite également à lire les commentaires qui se rapportent à chacun. Ils m'ont, quant à moi, déterminé à m'exprimer ici sur le sujet.

Primo, la famille est en effet la cellule de base de la société, le creuset dans lequel se fondent les comportements individuels qui déterminent l'avenir collectif, et toute action politique devrait tendre, par définition, à la préserver et à la promouvoir.Mais la notion de famille a fortement évolué dans le temps, et particulièrement ces trente dernières années. Le schéma classique "père, mère, et enfants inscrits dans le mariage", même s'il n'a pas disparu, n'est plus le schéma dominant, au moins dans les mentalités. Le nombre de "familles monoparentales" a explosé, les "familles recomposées" sont légions et s'apparentent plus, de fait, à des tribus qu'à des familles. En outre, la prolifération des divorces n'est pas suffisamment compensée par ces recompositions, et les parents devenus isolés ne sont évidemment pas un terreau fertile.Ceci étant posé, non seulement aucune politique familiale ne permettra jamais d'endiguer cette évolution, mais je ne suis pas certain que la société en soit mise en péril. Nous sommes tellement accoutumés au schéma classique qu'il nous semble spontanément que tous les autres sont à proscrire. Ce n'est pas mon sentiment. Il faut simplement être capable d'admettre les nouvelles formes de cette cellule familiale.

Secondo, une natalité conséquente est la condition sine qua non de la prospérité d'une société, quelle qu'elle soit, et la dénatalité, en Occident actuellement, même si elle est moins importante en France sans toutefois être nulle, est le présage évident de lendemains calamiteux. L'expansion démographique est seule capable, liée à une raisonnable expansion économique, de pérenniser les systèmes sociaux en place, même réformés en profondeur. Il faudra toujours plus de cotisants que de bénéficiaires, c'est une lapalissade. Et en outre, l'équilibre sociétal est à ce prix également.

Tertio, une "politique familiale" ne se conçoit de mon point de vue que comme une aide apportée aux familles, et non, comme elle est trop souvent ressentie, comme une "perfusion financière" à la charge de la puissance publique en leur direction. Il ne s'agit pas de financer la famille, il s'agit de l'inciter et de l'aider, d'abord à exister, ensuite à persister, et enfin à procréer...

Une politique familiale efficace, ce n'est donc pas une "pompe à fric" qui déverserait un flot de liquidités sans discernement. Là comme ailleurs, les finances publiques ne sont pas là pour pallier systématiquement et sans réflexion les manquements du citoyen. Elles ne doivent être qu'un outil et pas une finalité.

C'est pourquoi, si je suis totalement pour une incitation à la procréation, les "allocations familiales", sont d'une part assez mal conçues dans leur principe en ce sens qu'elles font l'impasse sur la deuxième naissance, passage obligé vers la troisième (comme dirait Monsieur de La Palisse), et d'autre part qu'elles devraient logiquement être soumises à deux conditions au moins :

- La mise sous condition de ressources est beaucoup moins insensée qu'on le dit. Non seulement il peut paraître anormal de verser des sommes issues des deniers publics à des foyers qui ont déjà des revenus conséquents (je dis bien "conséquents"), mais encore l'impact de cette allocation est mathématiquement peu important sur de telles familles, ce qui en minimise mécaniquement l'efficacité.
- L'allocation ne doit pas être seulement destinée à promouvoir la naissance, mais également l'éducation. Il ne sert à rien d'avoir une population nombreuse si cette population est constituée d'individus associaux. Bien sûr, je caricature volontairement le trait en utilisant cette terminologie, mais il reste que l'éducation des enfants est l'un des premiers rôles des parents, juste après la subsistance. Beaucoup de parents ont pris l'habitude, maintenant quasiment entrée dans les moeurs, de s'en décharger sur les éducateurs (y compris évidemment les enseignants). C'est proprement inadmissible, c'est au détriment de la qualité de l'enseignement, et de fait on ne peut que constater que ça ne marche pas !

D'autre part, ces "allocations familiales" ne sont évidemment pas le seul aspect d'une vraie politique de la famille. Et j'en viens à l'"évènement" de l'actualité qui est venu susciter ce regain d'intérêt pour le sujet, à savoir la suppression annoncée de la carte "famille nombreuse" de la SNCF.

Au risque de faire bondir certains, je ne trouve pas ce projet dénué de fondement, à condition d'être pensé intelligemment. Aider les familles dans le coût de leurs déplacements, et les aider d'autant plus qu'elles sont nombreuses, est une mesure sociale qui peut se comprendre. Par parenthèse, je ne pense pas cependant qu'il s'agisse d'une incitation efficace à la natalité. Mais en tout état de cause, faire peser uniquement sur l'impôt cette mesure me parait tout à fait anormal. Cela se comprenait très bien tant que la SNCF était déficitaire, et donc in fine financée par l'état. Aujourd'hui, cette entreprise est (enfin !) devenue bénéficiaire, au moins pour ce qui du trafic voyageurs, et de son propre aveu grâce à sa politique commerciale agressive, laquelle passe essentiellement par un système de cartes d'abonnement diverses. Pourquoi les finances publiques devraient-elles prendre en charge le coût d'une telle carte, et même au-delà ? Car au final il s'agit bien de ça ! Si un tel système d'abonnement est rentable pour le transporteur qu'est la SNCF, et qui pourra être une autre entreprise plus privée demain, je ne vois pas bien en quoi il nécessite une subvention publique. On me répondra que ces cartes d'abonnement sont payantes. Certes, mais dans le cadre d'une mission de service public, il ne me semblerait pas anormal que sa gratuité soit rendue obligatoire, ce qui ne ferait que réduire de très peu les résultats positifs du contrat de transport. Il est à noter en effet que dans le cadre des abonnements existants, le coût de la carte est remboursé le plus souvent dès le premier voyage. Dans le système actuel de la carte "famille nombreuse", c'est l'état qui paie et la SNCF qui engrange les bénéfices dus à l'importance du trafic généré.Je ne suis pas l'ennemi des bénéfices des entreprises, bien au contraire, mais je ne pense pas qu'ils doivent être mis à la charge du contribuable.


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jeudi 10 avril 2008

Mélenchon a raison...

Diantre ! Mes amis vont croire que je suis devenu fou ! Et ceux qui ne partagent pas mes idées que je me suis laissé convaincre...

Que nenni ! Je ne suis ni fou ni devenu socialiste ! Mais on peut être socialiste et ne pas dire que des bêtises. Encore que, si j'ai bien compris, celui-ci ne sait pas encore s'il est toujours socialiste ou s'il est "ailleurs", comme en dirait un autre...

Sérieusement, je fais référence à une intervention de Jean Luc Mélenchon, ce matin sur France 2, où il prend une position qui ne va pas dans le sens du vent, au sujet de la polémique actuelle sur les JO de Pékin. Sa thèse est en substance que d'abord il ne fallait pas donner les Jeux à la Chine, ce que j'ai moi-même déjà dit ici, et qu'ensuite les manifestations qui ont lieu, sur le parcours de la flamme ou ailleurs, à propos de ces jeux, se font "par définition", pas seulement contre le régime de Pékin et ses exactions par rapport aux droits de l'Homme, mais de facto en faveur des revendications des Tibétains. Et je suis d'accord pour dire qu'on peut parfaitement être contre les uns et par forcément pour les autres. C'est en ce sens que je dis qu'il a raison.

Mais ensuite les choses se gâtent. Il fallait bien s'y attendre... Notre "ami" Mélenchon se lance dans une comparaison oiseuse entre l'esprit de la loi de 1905 sur la séparation de l'église et de l'état en France et le fait pour les autorités chinoises de persécuter (il n'emploie pas le mot) les moines tibétain. Et non content de ça, le voilà qui nous annonce sans le moindre sourcillement que l'intervention de l'armée chinoise au Tibet a été motivée à l'époque par le fait "que les seigneurs féodaux refusaient l'abolition du servage", et que dans cette optique il approuve l'action des communistes chinois !...

De son propre point de vue d'humaniste-de-gauche-défenseur-de-la-liberté, peut-être pense-t-il sincèrement avoir raison, Jean Luc Mélenchon ! Cependant, nul doute que s'il s'agissait des USA à la place de la Chine, et de Cuba à la place du Tibet, pour ne prendre qu'un exemple, sa prise de position serait diamétralement opposée. Et cette fois, il aurait raison, monsieur Mélenchon ! Mais pas pour les mêmes, "raisons".

D'ailleurs, dans la même interview, il fustige "la légalisation de la torture aux USA" et "le fait que les détenus de Guentanamo n'ont pas d'avocats". Et je dois dire que là, en effet, Mélenchon a raison !..


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La vache à lait

Je me suis livré à quelques recherches et à un petit calcul destinés à me faire une opinion quant à ce qui se passe en ce moment chez Dacia en Roumanie.

Car, en effet, cette firme roumaine étant une filiale de Renault, je me pose évidemment la question de l'image que peut avoir la France dans ce pays émergeant d'Europe de l'est. Je me souviens de l'image négative qu'ont pu renvoyer de nos amis d'Outre Atlantique certains comportements d'entreprises américaines en France à une certaine époque, et j'ambitionne bien sûr pour notre pays une image plus positive chez nos voisins des Balkans. Même si la mauvaise opinion dont je parle, d'Opel en Allemagne ou de Ford en France, était (et reste aujourd'hui) passablement déformée par le prisme de l'opinion qu'on est capable de se faire des économies transnationales, quand on n'en est pas un spécialiste.

Pour avoir ensuite fait une partie de ma carrière professionnelle en relation directe avec une entreprise américaine, j'ai pu alors me rendre compte de certaines de mes erreurs de jugement. Sans vouloir minimiser l'esprit hégémonique des entreprises de l'Oncle Sam sur les économies notamment européennes, ni prétendre qu'elles ne sont pas capables d'abus, il ne faut jamais comparer l'incomparable, et nous devons bien admettre que nous demandions, à l'époque, le beurre et l'argent du beurre. Je veux dire les investissements, c'est à dire l'emploi, et les dividendes, c'est à dire des salaires du même niveau qu'Outre Atlantique, ce qui est tout simplement incompatible, puisque s'ils investissaient ici, c'était justement parce que les coûts de production étaient plus faibles que chez eux. Sinon, quel aurait donc été leur intérêt ?..

Et bien c'est, au vu des chiffres, ce même raisonnement que sont en train de faire nos amis roumains vis à vis de Renault.

Quand nous entendons que les salariés de Dacia réclament une augmentation de 550 lei, c'est à dire l'équivalent de 150 €, pour porter leur salaire moyen mensuel à environ 1600 lei, soit 335 €, cette revendication nous parait a priori, même pas seulement raisonnable, mais tout simplement dérisoire. Un peu plus de la moitié du RMI !..

Mais quel est le salaire moyen en Roumanie ? 866 lei, soit 235 € ! Le salaire moyen actuel chez Dacia est déjà de 284 €, c'est à dire supérieur de 20 % à la moyenne nationale. Et la satisfaction de leur revendication porterait cette différence à 42 % ! Quel est l'investisseur qui accepterait (qui pourrait) supporter un tel bond de ses coûts d'exploitation ?

Aux dernière nouvelles, la direction de Dacia propose une première augmentation de 210 lei (57 €), puis une seconde en septembre prochain de 88 lei (24 €), sans parler d'une prime de rattrapage de 300 € pour l'année passée. Le salaire moyen passerait ainsi, dès septembre prochain, à l'équivalent de 365 €, toujours à comparer aux 235 € que représente le salaire moyen en Roumanie, soit un "plus" de 55 %.

En France, le salaire moyen ressort à 1400 € (source Insee ce matin). Mathématiquement, le salaire qui est offert à nos amis roumains par Renault-Dacia correspond donc, dans l'Hexagone, à 2170 €. Quel est l'ouvrier, de Renault par exemple, qui, en France, refuserait une telle progression de son salaire net ?
Seulement voilà, Renault est une firme française, dont la richesse apparente, vue de Roumanie, est exorbitante comparée à l'économie locale...

On est bien devant le même comportement que celui dont je parlais plus haut par rapport aux enteprises américaines dans les années 70 : celui qui consiste à traire la vache à lait. Pas étonnant que cette vache-là ne se laisse pas faire...


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mardi 8 avril 2008

Les JO de Londres; non, de Paris; non : de la Honte

Je me suis déjà exprimé au sujet des JO de Pékin dès le 26 mars dernier. Mais, malgré un tempérament d'ordinaire plutôt calme, les derniers développements du "prologue" de cet évènement (le parcours mondial de la flamme olympique) me propulsent à des sommets de colère...

Colère contre qui ?- D'abord contre le CIO, qui n'aurait jamais dû attribuer les Jeux à la Chine sur la foi de "bonnes paroles" dont tout le monde savait d'avance qu'elles ne seraient suivies d'aucun effet. C'est une erreur condamnable.- Ensuite contre tous ceux qui prônent le boycott des Jeux eux-mêmes, pour des raisons que j'ai déjà exposées, au sujet desquelles je n'ai pas varié d'un pouce, et qui tiennent au respect de nos athlètes. Ce serait une erreur humaine.- Ensuite également contre les dirigeants de ce monde qui continuent de projeter de participer à cette mascarade médiatique doublée d'une opération de propagande que seront les cérémonies d'ouverture et de clôture des mêmes jeux. Même ceux qui disent aujourd'hui ne pas exclure leur absence iront quand même. J'en suis persuadé, et j'en suis ulcéré. Ce sera une erreur politique majeure. Je pense par parenthèse que le boycott par les télévisions du monde entier serait encore bien plus efficace, mais ne rêvons pas...- Ensuite encore contre le fait que lors du parcours de la flamme olympique, comme hier à Paris, ce soient des policiers chinois qui dirigent les opérations de "maintien de l'ordre" !... Nous avons tous vu de nos yeux à la TV ces hommes en bleu et blanc qui encadraient les relayeurs et qui donnaient ni plus ni moins des ordres à nos CRS et gardes mobiles : c'étaient des policiers chinois ! C'est totalement inadmissible !- Et enfin contre le comportement des Autorités française cette fois, qui non seulement se sont pliées à ces exigences étrangères, mais encore qui ont permis ce que je n'hésite pas à qualifier d'exactions policières contre des manifestants et même contre des journalistes. On ne se contente pas de se soumettre à la volonté d'un état dictatorial, on en applique nous-mêmes les méthodes. C'est une honte !

Le comportement de la Chine vis à vis des Tibétains, mais pas seulement, est totalement inadmissible. Hier soir, lors d'un débat télévisé sur France 5, un responsable chinois nous a tranquillement affirmé, entre autres inepties et autres mensonges, que "les droits de l'homme n'avaient pas le même sens en Chine qu'en Occident" !... Chapeau bas, messieurs les Orientaux. Si je comprends bien, les droits de l'Homme, chez vous, c'est surtout le droit de taper et de tirer sur les supposés opposants au régime. En fait, les droits de l'Homme, c'est donc avant tout le droit des dirigeants d'agir contre leur peuple. Moi, j'appelle ça une dictature sanguinaire, et ça justifie toutes les rébellions des opprimés, que ce soit en Chine ou hors de Chine...

C'est pourquoi, et ça en étonnera sans doute certains, je soutiens totalement les manifestants qui profitent à bon escient de l'effet amplificateur des festivités liées aux Jeux pour dénoncer avec l'énergie du désespoir leur désapprobation, qui est aussi la mienne. Il y a cependant un grand risque à ce que le peuple chinois ne soit même pas tenu informé, ou qu'il reçoive une information totalement déformée, dévoyée, et de nature à "apporter de l'eau au moulin" de la propagande officielle.

Un bémol cependant : manifester ne signifie ni casser ni tuer ni même blesser. Ces manifestations n'auront d'impact positif, si elles doivent en avoir un, que si elles sont dignes et respectueuses des biens et des personnes.

Dernier point : je souhaite vivement que des manifestations du même genre et de la même ampleur soient organisées tout au long du parcours de la flamme, au moins en Occident. En effet, si l'Angleterre et la France restent les seules à avoir protesté de cette manière, nul doute que les autorités de Pékin nous fustigeront avec la dernière énergie (ça a déjà commencé), et que l'impact sur les relations internationales, politiques comme économiques, fera de nous les dindons d'une farce olympique qui aura bien mauvais goût. Je réitère que je suis d'accord pour en prendre le risque, mais il faut en être conscient, y compris du fait que cela peut entraîner à notre encontre des mesures de rétorsion susceptibles d'influer directement y compris sur le niveau de l'emploi dans l'Hexagone. Il ne faudra pas ensuite en rendre responsables nos seuls dirigeants. Mais c'est un tout autre problème...


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lundi 7 avril 2008

Pouvoirs publics et sphère privée

Parmi les "gesticulations" et les "fanfaronnades" que je ne suis pas le seul à reprocher à notre Président, il en est une qui va me donner ici l'occasion de dire "ce que crois" au sujet du pouvoir politique, du pouvoir dans l'entreprise, et de l'interaction entre les deux.

Car même si je considère, je l'ai déjà suffisamment dit, que Nicolas Sarkozy est porteur du projet politique qui est sans doute le meilleur que la France ait eu à connaître depuis plusieurs décennies (ce qui ne présuppose pas, malheureusement, qu'il aura le courage politique de ses ambitions, et qu'il ira ainsi au bout de sa démarche), j'ai déjà dit aussi, mais peut-être pas assez fort quand j'y pense, que son style de communication, à la fois ne s'accorde pas avec la fonction qui est la sienne, et à la fois, ce qui est bien plus grave encore, le conduit à prendre publiquement des postures inadéquates (je pèse mes mots !) et peut-être (sans doute) pas assez (ou pas du tout ?) réfléchies.

Je ne vais pas faire une liste, même incomplète, de ces "incartades" médiatiques, et je n'en citerai que deux parmi les plus maladroites :

- la reconnaissance, lors d'une conférence de presse, de son souhait intime "de supprimer les 35 heures". Même si l'idée est évidemment bonne, la mesure est ressentie comme inacceptable par une grande partie de l'opinion, et il faut donc le faire... mais surtout sans le dire haut et fort !

- sa promesse de libérer une certaine Ingrid Bettancourt des mains des Farcs colombiennes, alors qu'il n'a évidemment pas le moindre pouvoir, pas même la moindre influence, ni sur les responsables des Farcs, ni sur le président colombien (qui se fout d'Ingrid Bettancourt comme d'une guigne), ni non plus sur le président Chavez, qui s'est rendu incontournable dans cette affaire mais qui se fout à son tour de Nicolas Sarkozy comme d'une guigne lui aussi. Il ne s'agit que d'une lutte d'influence entre des forces purement latino-américaines où la diplomatie française n'a aucune place, Ingrid Bettancourt étant ressentie là-bas comme une Colombienne et pas du tout comme une Française. Il n'y a d'ailleurs qu'en France que l'on pense autrement. Cette "Franco-Colombienne" est avant tout, là bas, une ex-opposante au régime de Bogota, et pas autre chose...

Voilà deux exemples qui illustrent bien les prises de position indéfendables dont notre Président est malheureusement coutumier. Mais c'est une troisième "bourde" que je veux évoquer aujourd'hui : sa promesse faite aux sidérurgistes d'Arcelor-Mittal que l'état investirait sur le site de Gandrange pour sauver les emplois menacés par le projet de fermeture partielle. Je ne vois pas très bien sur quelle base légale, et encore moins sur quelles bases légitimes, il pourrait le faire...

L'usine sidérurgique de Gandrange appartient à une entreprise privée, Arcelor-Mittal, et c'est la direction de cette entreprise qui a pris la décision d'une fermeture partielle du site, pour des raisons de rentabilité qui lui appartiennent et que nul n'est en droit de juger, et en tout cas de décider, à sa place. Or, le Président se comporte dans cette affaire comme si l'Etat était encore l'actionnaire majoritaire de l'entreprise Arcelor, qu'il était avant la cession à l'Indien Mittal... En fait, je pense que, plus exactement, ici comme dans d'autres contextes qui peuvent y être apparentés, l'état, et en particulier le Président, n'ont pas encore fait leur deuil d'un système heureusement révolu.

Je l'ai déjà dit et je ne vais pas y revenir ici, la vocation de la puissance publique, et de l'état en particulier, n'est pas d'entreprendre. Et quand il fait, il le fait le plus souvent mal... Dans le cas qui nous intéresse en tout cas, le pas est franchi et l'état n'est plus le patron. Il n'a donc plus aucun pouvoir sur la gouvernance de l'entreprise, et je réitère par parenthèse que c'est très bien ainsi.

Comme dans toute entreprise de droit privé, le patron, c'est à dire le décideur, est bien évidemment le propriétaire de ladite entreprise, c'est à dire l'actionnaire (ou l'ensemble des actionnaires majoritaires). C'est donc lui qui gère en toute souveraineté. Et l'état n'a strictement rien à y voir tant que les lois de la République, le droit du travail notamment, sont respectées.

Vouloir peser sur la gouvernance de l'entreprise relève donc purement et simplement de l'abus de pouvoir. Malgré cette évidence, le Président persiste et signe en indiquant, par la voix de Luc Chatel, porte-parole du gouvernement, qu'il "fera un certain nombre de propositions, pour l'emploi des salariés, pour la formation, sur l'investissement industriel sur le site" lorsqu'il recevra les syndicats ce jour. De quel droit Monsieur le Président ? Et pourquoi l'autre Président, celui d'Arcelor, Lakshmi Mittal, se devrait-il de tenir compte de vos "propositions" dans la gestion de son entreprise ?

En tout état de cause, et même si je peux comprendre que la fermeture partielle de cette usine puisse être effectivement un traumatisme économique pour nombre des salariés concernés, je considère pour ma part que les finances de l'Etat, c'est à dire nos impôts, n'ont pas à être dilapidés dans des interventions de ce type dans la sphère privée. Arcelor-Mittal est suffisamment puissante et en bonne santé financière pour mener à bien sa restructuration, et n'a aucunement besoin d'une aide publique pour y parvenir.

En outre, il semblerait que bon nombre des salariés de Gandrange puissent être reclassés dans d'autres usines du groupe, et notamment à Florange, à 9 km de là... Où est le problème, sauf de crédibiliser a posteriori la posture paternaliste de Nicolas Sarkozy le 4 février dernier ?

Autre point important : "L'Etat préfère payer pour le site que pour le chômage", a dit le Président dans cette même intervention du 4 février. D'accord avec lui sil s'agissait d'aider une entreprise en difficulté à se sortir de son mauvais pas, et ainsi à préserver l'emploi. Ce n'est absolument pas le cas d'Arcelor-Mittal, qui n'a pas besoin d'aide, mais dont la décision relève d'un choix managérial qui ne regarde que lui, et qui consiste à déplacer une partie de l'activité sur un autre site plus rentable. L'intervention de l'Etat, même si elle était acceptée par le groupe Mittal, ne serait donc pas une aide à l'emploi, mais une simple prise de participation financière qui, outre qu'elle serait bien évidemment dans le collimateur de Bruxelles, relèverait d'un interventionnisme à la fois d'un autre âge et de très mauvais aloi ...

Pour résumer :

- L'Etat n'est jamais dans son rôle quand il tend à interférer dans les décisions d'une entreprise privée, quelle qu'elle soit.

- Les finances publiques n'ont jamais à être utilisées pour intervenir, directement ou indirectement, dans la gestion d'une entreprise de droit privé.

- Les organes de direction d'une entreprise sont le seul maître à bord et les grandes décisions doivent être prises par eux et sous leur responsabilité, en concertation avec les organisations représentatives du personnel évidemment quand la loi le prévoit, mais sans l'intervention de la puissance publique dont ce n'est absolument pas le rôle.

- La liberté et le non-interventionisme sont l'une des bases les plus indispensables du nécessaire développement de la création d'entreprises dans ce pays, où elle fait cruellement défaut.

- Le rôle des pouvoirs publics, légalement comme légitimement, se limite au contrôle indispensable du respect des diverses législations en vigueur.


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mercredi 2 avril 2008

Les nations, le monde, l'armée

Le débat est ouvert depuis longtemps, et bat son plein ces jours-ci : de Paris, avec un Nicolas Sarkozy soupçonné de vouloir réintégrer le commandement intégré de l'OTAN dont le général De Gaulle avait claqué la porte (réintégration dont d'ailleurs Jacques Chirac avait lui aussi déjà émis l'hypothèse en 1995), à Kiev où Georges Bush déclarera ces prochains jours soutenir l'adhésion de l'Ukraine à l'Alliance Atlantique, et à Moscou où Vladimir Poutine vocifère contre cette éventualité, il y a des vagues dans le landerneau militaire sur la planète. C'est l'occasion pour moi de dire ici ce que sont mes idées sur la question.

Tout d'abord, tout pacifiste que je suis (entendez par là que je suis catégoriquement opposé à tout comportement belliqueux et que, pour moi, le choix des armes est toujours le mauvais choix), je dois bien admettre que pour toute communauté humaine, la nécessité s'impose de posséder les moyens de se défendre contre une éventuelle agression extérieure.

Pour être crédibles, c'est à dire efficaces en cas de besoin, ces moyens-là ne peuvent être que des forces armées suffisamment nombreuses, puissantes, équipées et entraînées. Cela s'appelle une armée, et dans le monde qui est le nôtre cette armée, toujours pour rester crédible, ne peut pas être que celle d'un seul pays, fût-ce un très grand pays.

Nous avons vécu pendant plus d'un demi-siècle dans un monde bipolarisé, avec deux super-armées qui rivalisaient de puissance et qui, fort heureusement, ne se sont affrontées directement qu'à grands renforts de déclarations et d'ultimatums non suivis d'effets : je veux parler des forces de l'OTAN d'un côté et de l'Armée Rouge de l'autre. Aujourd'hui, cette dernière a suivi la déconfiture de l'empire soviétique et est réduite à peau de chagrin, sauf en termes de puissance de feu nucléaire, ce qui lui confère le maintien d'une vraie dangerosité. Il ne reste plus, cependant, de véritablement efficace sur notre planète que l'armée de l'Organisation du Traité de l'Atlantique Nord, laquelle se résume en fait à l'armée des Etats Unis d'Amérique autour de laquelle s'agglutinent ponctuellement quelques brigades des forces des autres membres de l'Alliance. Et en raison de cet état de fait, le "commandement intégré" de ladite OTAN est tout naturellement entre les mains de l'Etat Major américain, ce qui fait des autres membres de simples vassaux des USA. C'est la raison profonde qui a conduit le général De Gaulle à quitter ledit commandement intégré dans les années 1960...

Mais le monde est en complète mutation, de nouveaux risques apparaissent à l'horizon avec l'émergence de forces belliqueuses nouvelles, qu'elles soient nationales (Corée du Nord et Iran, pour ne citer qu'eux) ou qu'elles soient purement idéologiques (islamisme et terrorisme international par exemple). Parallèlement, l'organisation encore dramatiquement embryonnaire mais qui s'affirme néanmoins de l'Union Européenne, et la montée en puissance de la Chine et de l'Inde, puis sans doute dans un avenir assez proche d'autres nations dites "émergeantes", modifient en profondeur les réalités géo-stratégiques, et bien sûr les risques de conflits qui en découlent. Ces mutations appellent à l'évidence une refonte des politiques de défense, et à mon sens une réorganisation complète des alliances et des stratégies.

Mais une armée, cela coûte cher,très cher ! Et la plupart des Etats-Nations sont tout simplement incapables d'en supporter le coût, dès lors qu'il s'agit d'équiper et d'entretenir des forces efficaces et véritablement crédibles. En Europe et à l'exception de la Russie, seules la Grande Bretagne, et dans une moindre mesure la France, ont aujourd'hui réussi ce tour de force. Au prix de sacrifices quelquefois insupportables dans d'autres domaines, mais c'est là un tout autre problème. Encore faut-il évidemment relativiser les choses : l'armée britannique comme l'armée française sont malgré tout des nains opérationnels, qui ne sont efficaces que, soit contre des armées de seconde zone comme, par exemple, en Afrique Noire, soit adossées à la puissance de feu des Américains. Mais l'une comme l'autre possède l'arme nucléaire, même de faible puissance, et c'est la raison principale du fait qu'elles comptent encore un peu dans le concert international.

On voit la nécessité évidente de regrouper les forces au sein d'organisations militaires internationales. L'OTAN a le mérite d'exister, mais n'est pas satisfaisante à mon sens. En effet, comme je l'ai dit plus haut, cette Alliance repose de manière quasi exclusive sur l'armée des USA, et fait de l'Europe ni plus ni moins qu'un protectorat américain. Ce n'est pas supportable dans le contexte de compétition économique internationale que nous connaissons. Car les armées ne sont pas qu'un moyen de défense du territoire. Ce sont aussi, et peut-être surtout diront certains, un des piliers de l'indépendance. Une nation dépendante militairement est une nation dépendante économiquement et en termes d'influence internationale.

Mais réunir des forces armées au sein d'une alliance entre plusieurs pays suppose, outre une entente la plus parfaite possible entre ces pays, des intérêts communs à défendre. Sinon, les dissensions réduiraient à néant l'effort commun. C'est pourquoi je pense qu'il serait du meilleur profit pour l'ensemble du monde occidental :
De mettre enfin sur pieds une défense européenne digne de ce nom.L'idéal serait évidemment une grande armée européenne, dont notamment les Anglais ne voudront jamais.Une brigade internationale sur le modèle de celle franco-allemande qui existe déjà me semble tout à fait insuffisante.Un mode d'organisation à mettre au point dans les détails, mais qui conduirait à réunir les Etats Majors des armées des pays membres de l'Union, sous l'autorité politique du Parlement Européen, est une solution envisageable. Je ne doute pas que son élaboration pose de gros problèmes diplomatiques, mais je pense que l'idée est bonne.

D'intégrer ensuite cette structure européenne devenue ainsi crédible dans l'OTAN, en exigeant bien entendu que les Européens soit directement et effectivement partie prenante dans le commandement intégré.
De placer statutairement l'OTAN sous l'autorité de l'ONU. Cela suppose évidemment de faire entrer l'Union Européenne en tant que membre permanent du Conseil de Sécurité, aux lieux et places des états membres actuellement présents dans cette institution.

Je suis bien conscient qu'en l'état actuel de la diplomatie internationale, le scénario peut paraître totalement utopique.La création de la Société des Nations en 1919, SDN qui a donné naissance à l'ONU en 1945, ne paraissait pas moins utopique. Elle s'est pourtant réalisée, à cause des intérêts communs des nations de l'époque. Les intérêts des nations occidentales d'aujourd'hui ne sont pas moins communs, et il suffirait d'un peu de volonté politique pour, enfin, parvenir à une organisation mondiale conforme à ces intérêts stratégiques-là...


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