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mardi 28 avril 2009

La bonne longueur d'onde

Lomig, d'Expression Libre, m'a taggé dans un article sur le Grenelle des Ondes le 23 avril dernier. Absent du Net pour des raisons diverses, je n'y réponds qu'aujourd'hui, après notamment Mathieu L., qui prend une position prudente mais sans remettre réellement en cause le principe de précaution, Nicolas J., qui refuse de répondre (ce qui ne m'étonne guère) et profite lamentablement de l'occasion pour attaquer sans argument (pas étonnant là encore) le libéralisme en générale et Lomig en particulier sur un point qui n'a strictement aucun rapport avec le débat, et Le Chafouin qui, lui, prend nettement position dans le sens du bon sens, à savoir le rejet de toute manipulation sur fond d'exploitation de la peur populaire et de démagogie. Sans doute d'autres bloggeurs ont-ils traité du sujet, en réponse ou pas à Expression Libre, mais je n'ai pas pris le temps de "fouiller" le Web pour les lire. Ces trois-là (surtout le premier et le troisième) représentent, selon moi, une base assez significative pour répondre à l'interpellation de mon ami Lomig.

Pour ce qui me concerne, j'ai déjà dit il y a un an ce que je pensais du principe de précaution. Je n'ai pas varié dans mon opinion, aucun fait nouveau, aucune étude scientifique, statistique ou épidémiologique, n'étant venue apporter de l'eau au moulin de ceux qui le défendent.

Comme je l'écrivais alors, si le principe de précaution avait été mis en pratique à leurs époques, un grand nombre de techniques et d'applications qui font aujourd'hui partie de notre quotidien, et qui sont reconnues comme non seulement inoffensives mais encore hautement bénéfiques, n'auraient jamais vu le jour au motif que l'on ne savait pas alors si des effets induits négatifs étaient ou non à craindre. Au nombre de ces inventions, on trouve par exemple la pénicilline, et par ricochet tous les antibiotiques qui ont déjà sauvé des millions de vies. Et ce n'est pas, de très loin, le seul exemple. Les transplantations d'organes en font partie, et j'arrêterai là mon énumération, qui pourrait durer des pages et des pages...

Par définition, prouver qu'il n'y a pas de risque est tout simplement impossible, et l'application stricte du principe de précaution, que l'on a eu l'absurdité d'inscrire dans la Constitution, conduirait tout naturellement à l'immobilisme et à la passivité complète dans les domaines scientifiques et techniques. C'est donc tout simplement une hérésie intellectuelle.

Je me suis souvent posé la question de savoir pourquoi le législateur en était venu à institutionnaliser cette idiotie conceptuelle. Les réponses ne sont convaicantes ni les unes ni les autres pour un esprit cartésien, mais on peut en imaginer au moins deux de crédibles dans le contexte socio-culturel qui est malheureusement le nôtre : le clientélisme électoral (il s'agit de jouer sur le sentiment de peur perçu par le bon peuple qui vote) et les mensonges à répétition qui ont fait tant de victimes : Tchernobyl, la vache folle, l'amiante, le sang contaminé ... la liste n'est pas close. Le législateur a voulu, je le pense évident, faire croire qu'il faisait quelque chose pour protéger le citoyen. Protéger n'est-il pas la fonction première de la Providence ? Et cet Etat omniprésent et omniscient qui rassure tant de crétins (qui sont aussi, ne l'oublions surtout pas, des électeurs) n'est-il pas communément invoqué, justement, sous le nom d'Etat Providence ? Il y a un autre mot, plus parlant, pour définir ce type de comportement : la démagogie. Et la démocratie démagogique est bel et bien en train de remplacer, sournoisement mais sûrement, la vraie démocratie : celle qui travaille pour le peuple et pas uniquemement par le peuple, c'est à dire en l'utilisant comme un levier à des fins de carriérisme politique.

Pour en revenir au coeur du problème qui m'est soumis, à savoir les téléphones cellulaires et leurs antennes-relais, non seulement strictement aucune étude n'a ne serait-ce qu'émis l'hypothèse d'un danger potentiel pour le corps humain, mais encore la quasi totalité d'entre elles disent le contraire. L'OMS, qui pourtant ne peut pas raisonnablement être taxée, ni de collusion avec des industriels, ni de clientélisme, indique clairement dans un excellent aide-mémoire que le danger n'est pas réel.

Je ne suis pas scientifique, mais il est de notoriété publique, par exemple, qu'il convient bien de faire la différence entre les ondes dont on parle et les radiations ionisantes comme les rayons X ou gamma. A la différence de ces derniers, les champs RF ne peuvent pas provoquer d'ionisation ou de radioactivité dans l'organisme. C'est pourquoi on les appelle rayonnements non ionisants. La peur populaire de ces ondes, qui s'appuie consciemment ou non sur le spectre de la pollution radioactive, est donc parfaitement irrationelle et les risques d'une telle irradiation scientifiquement démentis.

Reste que je ne suis pas en train de dire qu'il ne faut rien faire, ni prendre aucune mesure de prudence élémentaire. Nous n'avons pas assez de recul temporel (quelques années, et même seulement une ou deux si l'on considère la multiplication assez récente du nombre d'utilisateurs) pour être absolument certains que ces antennes, ni les téléphones eux-mêmes, (mais il faudrait également penser aux liaisons wi-fi et autres blue tooth) n'ont absolument aucun effet négatif. Il convient donc de respecter certaines précautions d'évidence, comme par exemple de ne pas s'exposer pendant de très longues périodes ou de ne pas s'approcher de très près des antennes-relais (l'OMS préconise de respecter une distance de 5 m). Encore une fois, le risque n'est pas avéré, mais l'inocuité n'est pas prouvée non plus.

Si tout arrêter au nom d'un risque supposé et irrationnel est une absurdité, s'exposer volontairement et inconsidérément sans le recul suffisant pour apprécier les éventuels effets indésirables sur le long terme n'est pas plus malin. Tout est affaire de mesure, et d'intelligence. Est-il intelligent de se passer d'une technique aux multiples effets positifs en raison d'un risque hypothétique et infiniment peu probable ? Evidemment non. Est-il plus intelligent de nier absolument ce risque a priori et de s'y exposer sans réfléchir ? Certainement pas non plus.

Reste que les décisions de justice qui viennent d'être rendues sont totalement inadmissibles sur le plan de la raison, si elles sont parfaitement recevables sur le plan du droit, principe de précaution aidant.

Dans le doute, abstiens-toi, dit le proverbe populaire. Il serait temps de s'abstenir de légiférer quand on a le moindre doute sur la pertinence de la loi. Dans ce domaine comme dans beaucoup d'autres... La loi n'est pas faite pour rassurer les citoyens, ni pour les carresser dans le sens du poil. Le vrai principe de précaution conduirait à ne pas entretenir leurs phobies irrationnelles pour leur être populaire. Ce n'est pas d'une loi dont ils ont besoin ici, mais d'une pédagogie appropriée. Il est vrai que c'est plus difficile à mettre en oeuvre, et que ça demande un peu plus de courage politique. Mais ce serait peut-être un bon moyen pour ne pas être déphasé, et pour revenir sur la bonne longueur d'onde...

8 commentaires:

  1. Salut René,
    je savais que je pouvais compter sur toi pour nous faire un beau texte, et je ne suis pas déçu...! Bravo pour toutes ces réflexions justes et modérées, qui rappelent à très juste titre en conclusion, que si la précaution est une vertu cardinale, l'excès de précaution inscrite dans notre constitution est une insulte à la raison !

    Bravo à toi, et pour le titre excellent !

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  2. Bon, il va falloir que je m'y colle à mon tour...

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  3. @ René : ton interprétation de mon billet n'est pas totalement exacte. Le principe de précaution ne me séduit pas tellement, et j'ai moi-même repris le point de l'OMS. Dans le fond, nous sommes assez en accord sur cette question.

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  4. @ Mathieu L.

    Oui, je n'ai pas dit que nous étions en désaccord profond, comme souvent d'ailleurs malgré nos positionnements très différents sur l'échiquier politique.

    J'ai simplement dit que tu ne remettais pas réellement en cause le principe de précaution, alors que, personnellement, je m'inscris résolument en faux contre lui, au motif qu'il est à mes yeux une hérésie conceptuelle qui conduit au blocage de toute initiative innovante dans de nombreux domaines.

    A bientôt.

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  5. @ René : en fait, c'est plus simple que cela. Le principe de précaution ne me fait ni chaud ni froid. Je pense que c'est totalement inapplicable. C'est pour cela que je n'en fais pas vraiment un fromage dans ce billet...

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  6. Bonjour René,
    c'est un plaisir de te retrouver avec ce très bon billet.bon we

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  7. Bonjour, vous posez de bonnes questions dans ce texte, vous rappelez avec justesse "qu'il convient bien de faire la différence entre les ondes dont on parle et les radiations ionisantes comme les rayons X ou gamma", en fait, les antennes-relais ne sont que des équipements convertissent des signaux électriques en ondes électromagnétiques (et réciproquement). Pour plus d'information à ce sujet : http://fr.wikipedia.org/wiki/Antenne-relais_de_téléphonie_mobile

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  8. Bonjour Helena,

    Votre appartenance à un opérateur de téléphonie mobile va évidemment susciter des réactions de méfiance. Pourtant, vos propos sont d'une objectivité proverbiale.

    Il est navrant que beaucoup, et pas forcément des incultes, obéissent à leurs impressions de premier degré, spontanées ou savamment "téléguidées", quitte à mettre entre parenthèses les vérités scientifiques. On se croirait en plein Moyen Age...

    Merci pour votre intervention.

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