Juste un petit billet pour évoquer l'affaire Madoff, et pour dire ce qu'elle m'inspire.
De quoi s'agit-il ?
Bernard L. Madoff, ex-président du Nasdaq (rien que ça), vient d'être démasqué pour avoir monté une arnaque sans précédent dans le monde de la finance. Il proposait aux investisseurs des placements "sécurisés" à haut taux de rémunération (de l'ordre de 10%), et se servait en fait des nouveaux investissements (ceux de ses nouveaux clients ou leurs nouveaux versements) pour servir les intérêts aux autres, sans procéder à aucun placement des fonds qu'il recevait. Ce qui lui laissait évidemment un solde positif respectable, tant que les investisseurs toutefois ne demandaient pas de se faire rembourser leurs mises. C'est un système d'escroquerie vieux comme le monde, mais il n'y a pas d'exemple qu'il ait été mis en oeuvre avec une telle ampleur, et surtout à ce niveau de notoriété de l'escroc...
Et ça dure, nous dit-on, depuis 20 ans... Et les "clients" de cet "investisseur" hors normes ne sont pas que de simples gogos-de-base comme on pourrait s'y attendre, mais des "grands" de la finance internationale ! Ainsi, on apprend tous les jours que telle ou telle grande banque, la BNP ou la Société Générale en France, Natixis, Unicredit, et la liste est longue, sont parmi les grosses (très grosses) victimes de cette escroquerie, d'un montant total estimé à 50 milliards de dollars, soit 37,3 milliards d'euros...
Derrière le fait divers se posent les questions de fond du "comment" et du "pourquoi".
Comment ?
Comment est-il possible qu'une telle arnaque ait pu être montée en toute tranquillité nonobstant la notoriété de Bernard Madoff dans le monde de la finance internationale ? Comment se fait-il que les autorités de régulation des marchés, sensées vérifier le bon fonctionnement et surtout la régularité des transactions, aient laissé faire sans rien voir durant tant d'années ? A priori incompréhensible...
Pourquoi ?
Pourquoi des banques réputées aussi sérieuses que celles que j'ai citées, et bien d'autres dont on ne connaît pas encore les noms, sont-elles aussi facilement tombées dans le piège ? Pourquoi ni les procédures de contrôle interne de ces entreprises, ni les autorités ministérielles auxquelles elles sont soumises, ni les autorités de contrôle des opérations de bourse, ne se sont aperçu de rien durant tant d'années ? A priori incompréhensible également...
Alors, il faut bien se rendre à l'évidence, et l'explication est finalement toute simple : la seule qui permet de comprendre.
Le système financier international fonctionne de manière libérale, et c'est très bien comme ça. Il serait absolument inadmissible, totalement sclérosant et parfaitement contre-productif que les politiques puissent intervenir dans le fonctionnement même des institutions financières, que ce soient les banques, les sociétés d'investissement, ou les bourses de valeurs. Le système capitaliste, qui par ailleurs est le seul qui permette le fonctionnement optimal de la production des richesses et de leur répartition, ne se conçoit que libéral. Toute intervention des pouvoirs publics est de nature à fausser son fonctionnement, à y introduire des distorsions et des blocages, et à conduire à des désastres.
Mais la liberté, ou le libéralisme qui n'est que sa traduction en tant que système, ne signifie pas l'anarchie. Et il est crucial que le fonctionnement des marchés réponde à des règles, faute de quoi il ne peut que déraper. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises et je pense que c'est maintenant une évidence pour tout le monde.
Ces règles existent, et existent également les organismes sensés contrôler leur application. Encore faut-il, pour que tout ça fonctionne correctement, que deux conditions soient réunies : la pertinence des règles et l'efficacité des systèmes de contrôle.
Depuis la fin des "trente glorieuses", c'est à dire en gros 1975, mais surtout depuis les années 1980, et au nom du libéralisme renaissant, qui était en soi une très bonne chose, les règles ont été modifiées et le fonctionnement des mécanismes de contrôle assoupli. Et ce fut, je pense, une profonde erreur que nous payons aujourd'hui.
L'affaire Madoff est directement liée à ce laisser-aller, qui est par ailleurs à l'origine également de la crise financière monstrueuse que nous venons de vivre, et qui n'est pas terminée loin s'en faut.
Alors, quand j'entends parler de "refondation du système financier", du "retour de la régulation", je ne peux qu'applaudir. En espérant que les dirigeants soient capables de se mettre d'accord pour faire ce qu'ils préconisent en matière de contrôle et par là de remplir leurs obligations de maintien de la sécurité, mais en espérant aussi qu'ils ne sombrent pas à l'inverse dans le dirigisme viscéral dont ils sont pour la plupart atteints. C'est bien ce dernier comportement que j'appréhende le plus de leur part aujourd'hui...
Car quand j'entends parler de "retour de l'Etat" dans l'économie et la finance, quand les keynésiens et les collectivistes de tous poils en profitent pour fustiger l'esprit libéral, voire le capitalisme, et déclarent comme j'ai entendu Martine Aubry le faire il n'y a pas si longtemps, "qu'un boulevard s'ouvrait pour les idées de gauche et pour le socialisme", il en va tout autrement...
Il ne faut pas "jeter le bébé avec l'eau du bain", et ce qui est en cause n'est pas le capitalisme ni même l'esprit libéral, mais seulement les pratiques laxistes qui ont consisté, dans le domaine économique et financier mais pas seulement, à laisser faire n'importe quoi. Et ceux qui se gaussent de soi-disant voir leurs idées triompher en creux, par l'absurde, feraient bien mieux de se souvenir des premières années du mitterrandisme, qui ont conduit leurs idées à plonger le pays dans une crise dont il n'est jamais vraiment sorti, puisque la dette publique abyssale qui est la nôtre est en grande partie due à cet épisode peu glorieux. Comme quoi trop d'interventionnisme étatique conduit à des absurdités au moins aussi graves que le laxisme.
Et quand j'entends ce matin sur Europe 1, Jean Pierre Jouyet, qui a pris aujourd'hui ses fonctions de tout nouveau président de l'Autorité des Marchés Financiers, dire qu'il souhaite "faire en sorte qu'il n'y ait plus d'institutions non régulées", je ne sais pas si on est en droit de s'en réjouir, c'est à dire de lui faire confiance pour faire ce qu'il faut, tout ce qu'il faut, mais rien que ce qu'il faut et pas plus qu'il ne faut...
Il reste à espérer que nos dirigeants, dont Jouyet, ancien ministre, soient capables de s'en persuader, et soient capables également du courage politique qui leur manque tant habituellement. Qui vivra verra...
Ce billet était publié sur mon ancien site. Commentaires ici
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Nous sommes responsables des deux...
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lundi 15 décembre 2008
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