Dimanche 14 décembre - 17 h 45 - France 5 - Le plateau de Ripostes -
Tout d'abord, une interview, ou plutôt un quasi monologue d'Augustin Legrand, des "Enfants de Don Quichote". Des questions de Serge Moati. Des réflexions aussi, du même Moati. Un peu tendancieuses. Et le discours de Legrand. Des réponses ? Non, plutôt un discours. Toujours le même. Les sans-abri n'ont pas de toit. C'est une honte. Jusque là, tout à fait d'accord. "On" ne fait rien. "On", c'est l'Etat, bien sûr. C'est la ministre. C'est le Président. C'est le Trésor Public. "On" ne fait rien, et c'est scandaleux. Et là, je commence à ne plus être forcément d'accord. Je le connais, Augustin Legrand. "On" le connait... "On" sait bien ce qu'il y a derrière ce discours, toujours le même. Tout ce qu'il y met et qu'il ne veut pas dire tout haut. Tout son engagement politique. Au sens politicien du terme, j'entends. Au sens droite-gauche pour faire simple... Moati, comme d'habitude, il ne peut pas en placer une. Il répète ses questions, sans attendre que l'autre lui laisse la parole. Ca, il ne sait pas faire. Ils ne savent pas faire, respecter le temps de parole de l'autre. Ni Legrand, qui débite sa prose sans faiblir, ni Moati, qui se laisse toujours déborder. Rispostes, c'est un peu la foire d'Empoigne. On a l'habitude. Mais ce soir, ce n'est pas entièrement sa faute, à Moati. Il a forte affaire avec celui-là. Et puis, peut-être bien qu'après tout ça ne le gêne pas beaucoup. Le préambule était significatif : un long détour par les droits de l'Homme pour en arriver au droit au logement... Bien sûr qu'il y a un rapport. Mais un rapport seulement. Enfin... Je me suis vraiment demandé un temps si Legrand n'était en train de dire tout haut ce que Moati pensait tout bas...
Bon, ce n'est pas complètement idiot, ce que dit Legrand. C'est vrai qu'il y a des sans-abri et des mal-logés. C'est vrai que c'est insupportable compte tenu de notre niveau de civilisation. C'est vrai qu'on dépense des sommes folles, qu'on n'a pas, ailleurs. C'est vrai que les logements sociaux manquent cruellement. C'est vrai qu'il y a des logements vaquants à Paris, et pas seulement à Paris. C'est vrai qu'il y a des cadres qui habitent des HLM. C'est vrai qu'à cause de ça il y a des ouvriers et des RMistes qui vivent en centres d'accueil. C'est vrai qu'à cause de ça encore, par ricochet, il y a moins de places disponibles pour les sans abri. Mais c'est vrai aussi que ce n'est peut-être pas entièrement la faute de "on". Pardon, de la faute du Président, de la ministre, du trésor public... Peut-être qu'il y a aussi une situation économique qui n'est pas très bonne, et que ces petits cadres-là n'ont pas tous vraiment les moyens de se loger "en ville". On en reparlera plus loin. Peut-être que les propriétaires de ces logements vides, ils n'ont pas envie de voir n'importe qui s'y installer non plus. Après tout, ils en sont propriétaires, de leurs logements. La propriété, dans un état de droit, ça veut dire quelque chose, non ? Enfin, il y a pas mal de "peut-être" comme ça, si on réfléchit un peu loin que le bout de son canal St Martin ? Alors, évidemment, il y a la solution de facilité : débloquer des fonds, augmenter les budgets. Et puis acheter des logements (les construire, c'est trop long. C'est maintenant qu'il fait froid). Et puis pourquoi pas obliger les propriétaires à louer à n'importe qui ? Par solidarité. Des solutions de facilité, vous dis-je ! Ca va tout résoudre, ça. Sauf qu'il faudra bien payer les loyers, même si on réquisitionne. Ou alors, je ne sais vraiment plus dans quel pays je vis. Sauf qu'il faudra bien payer les vendeurs, si on achète. Sauf qu'il faudra bien payer les constructeurs, si on fait construire. Sauf que l'argent pour alimenter ces budgets, on ne l'a pas. Qu'importe, il n'y a qu'à créer un nouvel impôt. Il n'y a qu'à "faire payer les riches". On la connait bien, cette chanson là...
Sauf que les riches, il n'y en a plus. Je sais, il y en a déjà quelques-uns qui hurlent en lisant ça. Et pourtant c'est vrai. Et je m'explique. Quand on parle "des riches", la plupart des gens pensent aux vrais riches, ceux qui ont des revenus très élevés. Les clients de Robin de Bois, vous savez ? Et ceux-là, non seulement ils sont très peu nombreux, mais comme ce sont ceux qui font vraiment tourner la machine, "on" fait semblant de les protèger. Par des moyens divers et variés, ce ne sont pas eux qui paieront votre nouvel impôt ! Ce ne sont pas non plus les bas revenus. Ceux-là non plus, ils ne paieront pas votre impôt. Ils ne paient pas l'impôt, ceux-là. Ou alors, si peu...
Restent ceux du milieu : ceux qu'on appelle les "classes moyennes". C'est ceux-là qui paient le plus gros, l'énorme majorité, de l'impôt direct. C'est ce qu'on ose appeler la justice fiscale. Mais à force de justice fiscale, ils sont de moins en moins riches, ceux-là ! Pour ne pas dire de plus en plus pauvres. Et c'est pour ça que je vous dis qu'il n'y en a plus, des riches !
Et bien, c'est justement le sujet de la suite de l'émission de notre ami Moati, les "classes moyennes".
On commence par évoquer dans un reportage les troubles sociaux majeurs en Grèce. On essaie de nous expliquer le pourquoi du comment de ces troubles : les bas salaires des jeunes travailleurs, même diplômés, la corruption généralisée, le gouvernement qui n'a plus qu'une voix de majorité à son parlement, les citoyens qui n'ont plus confiance dans leurs dirigeants, etc, etc... On a connu la même chanson chez nous. Paroles et musique. Aujourd'hui on n'a plus la musique dans la rue, sauf les jours de grève. Mais les paroles sont les mêmes, la corruption en moins (peut-être). La grosse différence, c'est qu'on a le sentiment d'être gouvernés. Pas eux. J'ai bien dit le sentiment. La réalité, c'est une autre affaire. En France comme en Grèce et comme dans beaucoup de pays, les gouvernements parlent beaucoup, promettent beaucoup, et font ce qu'ils peuvent. Avec ce qu'ils ont. Et comme ils n'ont plus grand chose, ils font semblant de faire. Peut-être en France plus qu'en Grèce ? Je ne sais pas, mais il semblerait, puisque les Grecs n'ont plus l'impression, à tort ou à raison, que leur gouvernement fait quelque chose...
En filigrane, en ombre chinoise, se profile un commentaire plus ou moins explicite. La crise sociale en Grèce, dont les manifestations d'étudiants sont la face la plus visible, serait en fait avant tout celle de la "classe moyenne" : ceux qui souffrent le plus de la crise économique et de la gabegie politique et dont les difficultés feraient peur aux plus jeunes, derrière lesquels ils se cacheraient en encourageant leurs manifestations.
Même chanson, paroles et musique, vous dis-je. Car qui souffre le plus de la crise chez nous ? Qui sont ceux qui paieront au final les pots cassés ? Ceux qui les paient toujours ! Et ça s'aggrave à un tel point que ça ne peut que conduire à l'éclatement...
Depuis 20 ans au moins, cette "classe moyenne" est la seule qui ne voit pas son sort s'améliorer. On ne sait plus alimenter sa progression, comme c'était le cas depuis la fin du 19ème siècle. Les plus aisés voient leurs revenus croître dans des proportions que les plus pauvres trouvent indécentes. Les plus "défavorisés", comme l'on dit pudiquement, et même si je vais faire hurler certains que j'entends déjà, ne cessent de se voir distribuer de nouvelles aides dites "sociales". Et qui paie tant les premiers que les secondes ? Ceux que l'on appelle communément la "classe moyenne", pas assez riches pour profiter largement ni de l'expansion (quand elle existe) ni de la spéculation, et pas assez pauvres pour profiter des libéralités d'un pouvoir toujours prompt à jouer les Robin des Bois avec l'argent du contribuable. Mais quel contribuable, justement ? Pas les plus gros revenus, qui de niches fiscales en niches fiscales voient leur ecot fondre à souhait, et pas non plus les plus bas, qui s'en trouvent exonérés au nom d'une soi-disant justice fiscale qui fait reposer le poids de l'impôt sur une partie seulement au bénéfice des autres. Moins de 50 % seulement de la population qui paie 85 % des prélèvements. Quelle belle notion de justice en effet !
Une réalité dont on ne parle jamais : 17 % des salariés sont aujourd'hui payés au smic. Ils n'étaient que 14 % en 2002 (source : www.actuchomage.org/modules.php)
Ca signifie tout simplement que, en monnaie constante, le revenu des "smicards" s'est revalorisé beaucoup plus vite que les autres revenus. Ca signifie donc que cette classe moyenne dont on parle (le salaire médian en France est de 1500 € nets mensuels) voit son revenu régresser proportionnellement, alors que les autres revenus, dans le même temps, progressent tous. Une société dans laquelle "l'ascenseur social", comme on dit, est en panne et où on a plus de chance de voir progresser son (maigre) pouvoir d'achat quand on est en bas de l'échelle des revenus que quand on en est au milieu. Et ce sont pourtant ces derniers à qui on demande le plus gros effort. Les "vaches à lait" du système...
La conséquence de cet état de fait, c'est que cette "classe moyenne"-là ne croit plus en l'avenir. C'était elle qui portait l'innovation et la croissance. Et elle n'y croit plus. Je pense très sincèrement que c'est beaucoup plus grave encore que la crise économique elle-même. Car si personne n'y croit, il n'y a aucun espoir sensé d'en sortir.
Il est donc urgent de redresser la barre. La solution passe par une vraie justice fiscale : celle qui consiste, d'une part à ramener les dépenses, y compris sociales, à des niveaux supportables par notre économie même si ces niveaux paraissent insuffisants à certains rêveurs, et d'autre part à faire payer ce qui restera à tout le monde équitablement, c'est à dire proportionnellement à ses revenus. Le système des tranches d'imposition est un système tellement injuste par nature, qu'il est moralement insupportable. L'impôt proportionnel et supporté par tous sans aucune exception, et l'abolition pure et simple de toutes les niches ficales, est la seule solution pour qu'une minorité ne se voit plus exploitée au bénéfice du reste de la population.
Robin des Bois volait les riches pour donner aux pauvres. L'idée est déjà parfaitement contestable. Les gouvernants actuels volent les moins pauvres des "pauvres" pour donner aux autres, y compris certains "riches". Et c'est encore moins acceptable.(*)
Mais j'ai bien peur de me battre ici, comme un certain Don Quichote, contre des moulins à vents.
(*) Il est bien évident que j'emploie ici les termes "riche" et "pauvre" dans leur acception purement symbolique. Leurs véritables sens nécessiteraient une étude bien plus approfondie...
Ce billet était publié sur mon ancien site. Commentaires ici
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Les Modernes y ont ajouté la Liberté
Nous sommes responsables des deux...
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jeudi 18 décembre 2008
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