Les Anciens avaient inventé la Démocratie
Les Modernes y ont ajouté la Liberté
Nous sommes responsables des deux...

lundi 22 décembre 2008

Economie et culture virtuelles

C'est la semaine de Noël, et par définition celle où les retardataires comme moi vont se précipiter dans les magasins pour acheter en catastrophe les derniers cadeaux qui leur manquent.

Vus les problèmes de pouvoir d'achat dont on ne cesse de nous rebattre les oreilles, problèmes que je ne nie évidemment pas, qui sont bien réels et qui sont même une calamité pour certains, mais dont l'évocation quotidienne crée selon moi une psychose inconsciente propre à accentuer encore l'impression de crise, et mécaniquement la crise elle-même, vus donc ces problèmes de pouvoir d'achat, je m'attendais à des rayons surchargés et à des allées clairsemées, les acheteurs boudant logiquement les "temples de la surconsommation" que sont les hypermarchés.

Que nenni ! Quelle ne fut pas ma surprise de constater le nombre hallucinant de ces retardataires de dernière heure ! On se sent moins seul, tout à coup, et pour tout dire un peu rassuré sur son propre comportement laxiste à l'égard de ses enfants et de ses amis...

Mais la première surprise passée, l'esprit d'analyse reprend le dessus, on ne se refait pas, et on se souvient en un éclair de cette morosité dont on ne cesse de nous parler, de cette crise économique qui fabrique des malheureux à la chaîne, de ces pauvres gens que l'on nomme les "travailleurs pauvres" et qui fréquentent les restos du coeur et la banque alimentaire, de ces reportages où l'on ne voit que de pauvres hères, de ces discours misérabilistes, et on se demande aussitôt si on est bien sur la même planète, si ces gens que l'on voit là, devant nos yeux, sont bien réels ou si les reportages dont je parle ne sont pas quelque peu "bidonnés".

Je sais bien qu'il ne faut pas se laisser aller à des raccourcis instinctifs, ni se laisser abuser par des apparences trompeuses. Je sais bien que j'ai là sous les yeux une infime partie des gens, et qu'ils ne sont pas forcément représentatifs de l'ensemble. Je sais bien que pour 10 de ceux-là, il y en a peut être 50 qui n'ont pas les moyens de venir ici, même pour acheter "une bricole". N'empêche : ça fait une impression bizarre, et on ne peut que se poser des questions... Je me rappelle avoir vu comme tout le monde les longues files d'attente qu'on nous montrait, files d'attente des Soviétiques devant les magasins alimentaires au siècle dernier (le 20ème : ce n'est pas si loin). Je me rappelle aussi le discours d'une certaine extrême gauche qui fustige le capitalisme et son lot de production de pauvreté. Et ce que j'ai là sous les yeux ne me rend pas enclin à les suivre sur ce terrain. Même si je suis aveuglé. Et même s'il y avait bien un SDF à l'entrrée du magasin quand je suis arrivé...

Bref, la crise existe bien, et les victimes en sont nombreuses certes, mais qu'on arrête de nous chanter sur tous les tons qu'on est au fond du trou et qu'on souffre le martyr...

Deuxième aspect de mon analyse instinctive de ce que j'ai sous les yeux : l'économie virtuelle. A mieux y regarder, il y a là, et avec les caddies les plus remplis s'il vous plait, des personnes qui de toute évidence ne "roulent pas sur l'or", comme disait l'autre. Il n'est pas besoin d'être grand clerc pour déterminer du premier coup d'oeil si la tenue vestimentaire de tel ou telle est récente et sort d'un magasin chic (sans pour autant être de luxe), ou bien si elle date au mieux de l'an passé, et a été achetée au "deux fois neuf". Ce n'est pas faire injure aux "moins favorisés" que de dire que, malheureusement, "ça se voit". Et bien, je le répète, ces gens-là, que je respecte au plus haut point je tiens à le préciser, poussent en général les caddies les plus garnis. Je ne me lancerai pas dans une conclusion hasardeuse sur la seule base de mes premières impressions, mais il me vient quand même tout naturellement à l'esprit l'évidence que les CCAS et autres primes de Noël y sont pour beaucoup. Dois-je me dire avec satisfaction que mes impôts servent à quelque chose ? Car, ne nous y trompons pas, ces impôts-là se retourvent bel et bien dans ces caddies-là. Je ne porte pas de jugement de valeur sur le contenu des dits caddies. Quoique...

Troisième aspect de la même analyse, toujours aussi instinctive. Je regarde instinctivement le contenu de quelques caddies. Il y a là pas mal de jouets classiques, de jeux dits "de société", de jouets en bois et autres "légos". Les modes ne balaient pas toutes les traditions. Mais il y a aussi, en quantité non négligeable et au contraire, tous ces jeux électroniques "dernière génération" dont le prix n'a d'égal que leur peu de valeur. Il est hallucinant de voir à quel point la plupart achètent à prix d'or plour leurs enfants des objets dont il ne savent pas eux-mêmes ni les utiliser ni même de quoi ils sont constitués... C'est sans doute l'impact imparable de la publicité et des campagnes de marketing, alliées à la puissance de l'effet de mode, du "qu'en dira-t-on" et du "bouche à oreille". Mais s'agissant de ces produits en particulier, on ne peut selon moi que le regretter.

J'ai encore dans l'oreille l'excellente émission de Monique Canto-Sperber samedi midi sur France-Culture, qui traitait du sujet de l'identité, et et qui évoquait particulièrement les problèmes rencontrés dans la lutte contre la cybercriminalité à cause des identités virtuelles.

Dans la "vraie vie", nous avons une identité et une seule, dont nous ne sommes pas maîtres puiqu'elle nous est délivrée par l'autorité administrative. Il est à ce point extrêmement difficile d'usurper l'identité de quelqu'un d'autre que le droit est quasiment muet sur le sujet.

Dans le monde virtuel, à commencer par tous ces jeux et jusqu'au site "Second Life" sur Internet, non seulement on se construit une ou plusieurs fausses identités, non seulement on a la possibilité d'en user et d'en changer à volonté, mais encore on peut tout aussi aisément, avec un minimum d'habitude et de d'habileté, emprunter celle d'un autre et agir en ses lieu et place. C'est le problème que l'émission de France Culture soulevait essentiellement, celui d'une "morale virtuelle" totalement à contre sens de la morale du "monde réel".
Je ne vais pas m'étendre abusivement sur le sujet, mais voilà une pratique tellement répandue sur la "toile" et dans les jeux électroniques divers et variés que nos chères têtes blondes, qui sont nées avec ça et que l'on n'éduque pas aux dangers que cela représente, vont trouver toute naturelle, et que, gageons-le, elles auront bien du mal à ne pas tenter de transposer dans la "vraie vie". Elles se préparent de beaux jours, avec notre coupable complicité...

Une économie virtuelle ; une culture virtuelle... Attention au réveil, bien réel !

Et en attendant, joyeux Noël...



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dimanche 21 décembre 2008

Quand il faut trouver un cochon de payant.

La cour de cassation, plus haute juridiction française en matière civile, vient de rendre un arrêt dont vont certainement se féliciter bruyamment les écologistes de tous poils. De quoi s'agit-il ?

Il s'agit de l'affaire de l'Erika, ce pétrolier affrêté par Total, qui avait sombré en février 2000 à quelques encablures du littoral breton, et avait provoqué une énorme marée noire.

La commune de Mesquer, en Loire Atlantique, a été la seule à se constituer partie civile pour obtenir le remboursement des frais de nettoyage de ses plages. Jusque là, rien d'anormal, et je considère même qu'il est tout à fait inadmissible de devoir attendre 8 années pour obtenir un jugement condamnant les responsables à indemniser les victimes. Après être passé par les tribunaux de commerce de Nantes et de St Nazaire, la cour d'appel de Rennes, une première fois la cour de cassation qui se "défosse" sur la cour européenne de justice, puis de nouveau la cour de cassation, qui vient de renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Bordeaux en cassant l'arrêt de celle de Rennes. Inimaginable et pourtant vrai...

Cependant, là où je me sens révolté, c'est moins sur la procédure que sur le fond. Je m'explique.
Dans son arrêt, la cour européenne rend implicitement Total unique responsable de la pollution, en lui imputant la charge de donner droit aux prétentions de la commune de Mesquer. Et notre cour de cassation lui emboîte servilement le pas.

Je ne suis pas juriste, mais en tant que citoyen cette situation me parait a priori totalement ubuesque. Total, dans cette affaire, était l'affrêteur de l'Erika, ni son propriétaire ni son armateur. Or, ce n'est pas la cargaison qui a causé le nauffrage, que je sache ? C'est exactement comme si le client d'un transporteur, dont le chauffeur ivre causerait un accident mortel, était rendu responsable de l'accident au motif que le chargement lui appartient et que la victime l'a reçu sur la tête !

En droit international comme en droit français, s'il me reste quelque chose de mes cours, le principe de responsabilité, au civil, repose sur trois "piliers" : un dommage, une faute, et une relation de cause à effet entre la faute et le dommage. Ici, la faute est prouvée. Je ne connais pas suffisamment le dossier pour savoir s'il s'agit d'une faute de navigation ou d'une faute d'entretien du navire. Le dommage lui-aussi est prouvé, c'est évident. Et la relation de cause à effet n'est pas contestable non plus. Il y a donc bien un responsable, qui doit prendre en charge la réparation (financière) du dommage. Tout ça est parfaitement évident. Ce qui l'est moins, c'est qu'on se trompe de fautif, et donc de responsable. Qui a commis la faute ? Soit le propriétaire du navire (s'il y a défaut d'entretien) soit l'armateur (en tant que commettant du capitaine du navire). En aucun cas l'affretteur !

Seulement voilà, qu'il s'agisse de l'armateur ou du propriétaire, nous avons affaire à des personnes, au sens juridique, qu'il va être bien difficile de faire payer ! L'Erika naviguait sous pavillon maltais, l'armateur était italien, la gestion technique était assurée par une société italienne également, tout comme la société de classification chargée des contrôles. Tout ce beau monde se rejette mutuellement les responsabilités, et c'est au final un imbroglio indémélable. Et quand bien même on arriverait à dévider l'écheveau, il y a gros à parier qu'on tomberait au final sur des insolvabilités notoires...

Alors, bien sûr, la solution est éclatante de simplicité : Total est une entreprise florissante, qui a pignon sur rue, et il est bien plus profitable de la déclarer responsable... Le droit dans tout ça ? Qu'importe ! L'application du désormais sacro-saint principe "polueur-payeur" oblige indiscutablement à trouver un "cochon de payant". Il est tout trouvé et il n'y a qu'à le décréter responsable de la pollution, contre toute logique. Lui, au moins, il est solvable, et on en aura enfin terminé avec les jérémiades des écolos. Eclatant de simplicité, vous dis-je !
Reste une inconnue : la décision qui sera rendue par la cour d'appel de Bordeaux. Mais je ne me fais pas beaucoup d'illusions...

N'étant pas juriste, je le répète, il est possible que je me trompe totalement sur le plan du droit. Si c'est le cas, nul doute qu'un spécialiste viendra me porter la contradiction. Il pourra toutefois difficilement me faire changer d'avis sur le plan de la morale.

Dormez en paix, peuple de France. Votre pays est un état de droit...



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jeudi 18 décembre 2008

Classe moyenne : De Don Quichote à Robin des Bois

Dimanche 14 décembre - 17 h 45 - France 5 - Le plateau de Ripostes -

Tout d'abord, une interview, ou plutôt un quasi monologue d'Augustin Legrand, des "Enfants de Don Quichote". Des questions de Serge Moati. Des réflexions aussi, du même Moati. Un peu tendancieuses. Et le discours de Legrand. Des réponses ? Non, plutôt un discours. Toujours le même. Les sans-abri n'ont pas de toit. C'est une honte. Jusque là, tout à fait d'accord. "On" ne fait rien. "On", c'est l'Etat, bien sûr. C'est la ministre. C'est le Président. C'est le Trésor Public. "On" ne fait rien, et c'est scandaleux. Et là, je commence à ne plus être forcément d'accord. Je le connais, Augustin Legrand. "On" le connait... "On" sait bien ce qu'il y a derrière ce discours, toujours le même. Tout ce qu'il y met et qu'il ne veut pas dire tout haut. Tout son engagement politique. Au sens politicien du terme, j'entends. Au sens droite-gauche pour faire simple... Moati, comme d'habitude, il ne peut pas en placer une. Il répète ses questions, sans attendre que l'autre lui laisse la parole. Ca, il ne sait pas faire. Ils ne savent pas faire, respecter le temps de parole de l'autre. Ni Legrand, qui débite sa prose sans faiblir, ni Moati, qui se laisse toujours déborder. Rispostes, c'est un peu la foire d'Empoigne. On a l'habitude. Mais ce soir, ce n'est pas entièrement sa faute, à Moati. Il a forte affaire avec celui-là. Et puis, peut-être bien qu'après tout ça ne le gêne pas beaucoup. Le préambule était significatif : un long détour par les droits de l'Homme pour en arriver au droit au logement... Bien sûr qu'il y a un rapport. Mais un rapport seulement. Enfin... Je me suis vraiment demandé un temps si Legrand n'était en train de dire tout haut ce que Moati pensait tout bas...

Bon, ce n'est pas complètement idiot, ce que dit Legrand. C'est vrai qu'il y a des sans-abri et des mal-logés. C'est vrai que c'est insupportable compte tenu de notre niveau de civilisation. C'est vrai qu'on dépense des sommes folles, qu'on n'a pas, ailleurs. C'est vrai que les logements sociaux manquent cruellement. C'est vrai qu'il y a des logements vaquants à Paris, et pas seulement à Paris. C'est vrai qu'il y a des cadres qui habitent des HLM. C'est vrai qu'à cause de ça il y a des ouvriers et des RMistes qui vivent en centres d'accueil. C'est vrai qu'à cause de ça encore, par ricochet, il y a moins de places disponibles pour les sans abri. Mais c'est vrai aussi que ce n'est peut-être pas entièrement la faute de "on". Pardon, de la faute du Président, de la ministre, du trésor public... Peut-être qu'il y a aussi une situation économique qui n'est pas très bonne, et que ces petits cadres-là n'ont pas tous vraiment les moyens de se loger "en ville". On en reparlera plus loin. Peut-être que les propriétaires de ces logements vides, ils n'ont pas envie de voir n'importe qui s'y installer non plus. Après tout, ils en sont propriétaires, de leurs logements. La propriété, dans un état de droit, ça veut dire quelque chose, non ? Enfin, il y a pas mal de "peut-être" comme ça, si on réfléchit un peu loin que le bout de son canal St Martin ? Alors, évidemment, il y a la solution de facilité : débloquer des fonds, augmenter les budgets. Et puis acheter des logements (les construire, c'est trop long. C'est maintenant qu'il fait froid). Et puis pourquoi pas obliger les propriétaires à louer à n'importe qui ? Par solidarité. Des solutions de facilité, vous dis-je ! Ca va tout résoudre, ça. Sauf qu'il faudra bien payer les loyers, même si on réquisitionne. Ou alors, je ne sais vraiment plus dans quel pays je vis. Sauf qu'il faudra bien payer les vendeurs, si on achète. Sauf qu'il faudra bien payer les constructeurs, si on fait construire. Sauf que l'argent pour alimenter ces budgets, on ne l'a pas. Qu'importe, il n'y a qu'à créer un nouvel impôt. Il n'y a qu'à "faire payer les riches". On la connait bien, cette chanson là...

Sauf que les riches, il n'y en a plus. Je sais, il y en a déjà quelques-uns qui hurlent en lisant ça. Et pourtant c'est vrai. Et je m'explique. Quand on parle "des riches", la plupart des gens pensent aux vrais riches, ceux qui ont des revenus très élevés. Les clients de Robin de Bois, vous savez ? Et ceux-là, non seulement ils sont très peu nombreux, mais comme ce sont ceux qui font vraiment tourner la machine, "on" fait semblant de les protèger. Par des moyens divers et variés, ce ne sont pas eux qui paieront votre nouvel impôt ! Ce ne sont pas non plus les bas revenus. Ceux-là non plus, ils ne paieront pas votre impôt. Ils ne paient pas l'impôt, ceux-là. Ou alors, si peu...

Restent ceux du milieu : ceux qu'on appelle les "classes moyennes". C'est ceux-là qui paient le plus gros, l'énorme majorité, de l'impôt direct. C'est ce qu'on ose appeler la justice fiscale. Mais à force de justice fiscale, ils sont de moins en moins riches, ceux-là ! Pour ne pas dire de plus en plus pauvres. Et c'est pour ça que je vous dis qu'il n'y en a plus, des riches !

Et bien, c'est justement le sujet de la suite de l'émission de notre ami Moati, les "classes moyennes".

On commence par évoquer dans un reportage les troubles sociaux majeurs en Grèce. On essaie de nous expliquer le pourquoi du comment de ces troubles : les bas salaires des jeunes travailleurs, même diplômés, la corruption généralisée, le gouvernement qui n'a plus qu'une voix de majorité à son parlement, les citoyens qui n'ont plus confiance dans leurs dirigeants, etc, etc... On a connu la même chanson chez nous. Paroles et musique. Aujourd'hui on n'a plus la musique dans la rue, sauf les jours de grève. Mais les paroles sont les mêmes, la corruption en moins (peut-être). La grosse différence, c'est qu'on a le sentiment d'être gouvernés. Pas eux. J'ai bien dit le sentiment. La réalité, c'est une autre affaire. En France comme en Grèce et comme dans beaucoup de pays, les gouvernements parlent beaucoup, promettent beaucoup, et font ce qu'ils peuvent. Avec ce qu'ils ont. Et comme ils n'ont plus grand chose, ils font semblant de faire. Peut-être en France plus qu'en Grèce ? Je ne sais pas, mais il semblerait, puisque les Grecs n'ont plus l'impression, à tort ou à raison, que leur gouvernement fait quelque chose...

En filigrane, en ombre chinoise, se profile un commentaire plus ou moins explicite. La crise sociale en Grèce, dont les manifestations d'étudiants sont la face la plus visible, serait en fait avant tout celle de la "classe moyenne" : ceux qui souffrent le plus de la crise économique et de la gabegie politique et dont les difficultés feraient peur aux plus jeunes, derrière lesquels ils se cacheraient en encourageant leurs manifestations.

Même chanson, paroles et musique, vous dis-je. Car qui souffre le plus de la crise chez nous ? Qui sont ceux qui paieront au final les pots cassés ? Ceux qui les paient toujours ! Et ça s'aggrave à un tel point que ça ne peut que conduire à l'éclatement...

Depuis 20 ans au moins, cette "classe moyenne" est la seule qui ne voit pas son sort s'améliorer. On ne sait plus alimenter sa progression, comme c'était le cas depuis la fin du 19ème siècle. Les plus aisés voient leurs revenus croître dans des proportions que les plus pauvres trouvent indécentes. Les plus "défavorisés", comme l'on dit pudiquement, et même si je vais faire hurler certains que j'entends déjà, ne cessent de se voir distribuer de nouvelles aides dites "sociales". Et qui paie tant les premiers que les secondes ? Ceux que l'on appelle communément la "classe moyenne", pas assez riches pour profiter largement ni de l'expansion (quand elle existe) ni de la spéculation, et pas assez pauvres pour profiter des libéralités d'un pouvoir toujours prompt à jouer les Robin des Bois avec l'argent du contribuable. Mais quel contribuable, justement ? Pas les plus gros revenus, qui de niches fiscales en niches fiscales voient leur ecot fondre à souhait, et pas non plus les plus bas, qui s'en trouvent exonérés au nom d'une soi-disant justice fiscale qui fait reposer le poids de l'impôt sur une partie seulement au bénéfice des autres. Moins de 50 % seulement de la population qui paie 85 % des prélèvements. Quelle belle notion de justice en effet !


Une réalité dont on ne parle jamais : 17 % des salariés sont aujourd'hui payés au smic. Ils n'étaient que 14 % en 2002 (source : www.actuchomage.org/modules.php)

Ca signifie tout simplement que, en monnaie constante, le revenu des "smicards" s'est revalorisé beaucoup plus vite que les autres revenus. Ca signifie donc que cette classe moyenne dont on parle (le salaire médian en France est de 1500 € nets mensuels) voit son revenu régresser proportionnellement, alors que les autres revenus, dans le même temps, progressent tous. Une société dans laquelle "l'ascenseur social", comme on dit, est en panne et où on a plus de chance de voir progresser son (maigre) pouvoir d'achat quand on est en bas de l'échelle des revenus que quand on en est au milieu. Et ce sont pourtant ces derniers à qui on demande le plus gros effort. Les "vaches à lait" du système...

La conséquence de cet état de fait, c'est que cette "classe moyenne"-là ne croit plus en l'avenir. C'était elle qui portait l'innovation et la croissance. Et elle n'y croit plus. Je pense très sincèrement que c'est beaucoup plus grave encore que la crise économique elle-même. Car si personne n'y croit, il n'y a aucun espoir sensé d'en sortir.

Il est donc urgent de redresser la barre. La solution passe par une vraie justice fiscale : celle qui consiste, d'une part à ramener les dépenses, y compris sociales, à des niveaux supportables par notre économie même si ces niveaux paraissent insuffisants à certains rêveurs, et d'autre part à faire payer ce qui restera à tout le monde équitablement, c'est à dire proportionnellement à ses revenus. Le système des tranches d'imposition est un système tellement injuste par nature, qu'il est moralement insupportable. L'impôt proportionnel et supporté par tous sans aucune exception, et l'abolition pure et simple de toutes les niches ficales, est la seule solution pour qu'une minorité ne se voit plus exploitée au bénéfice du reste de la population.

Robin des Bois volait les riches pour donner aux pauvres. L'idée est déjà parfaitement contestable. Les gouvernants actuels volent les moins pauvres des "pauvres" pour donner aux autres, y compris certains "riches". Et c'est encore moins acceptable.(*)

Mais j'ai bien peur de me battre ici, comme un certain Don Quichote, contre des moulins à vents.


(*)
Il est bien évident que j'emploie ici les termes "riche" et "pauvre" dans leur acception purement symbolique. Leurs véritables sens nécessiteraient une étude bien plus approfondie...


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lundi 15 décembre 2008

Tout ce qu'il faut ... Mais pas plus qu'il ne faut !

Juste un petit billet pour évoquer l'affaire Madoff, et pour dire ce qu'elle m'inspire.
De quoi s'agit-il ?


Bernard L. Madoff, ex-président du Nasdaq (rien que ça), vient d'être démasqué pour avoir monté une arnaque sans précédent dans le monde de la finance. Il proposait aux investisseurs des placements "sécurisés" à haut taux de rémunération (de l'ordre de 10%), et se servait en fait des nouveaux investissements (ceux de ses nouveaux clients ou leurs nouveaux versements) pour servir les intérêts aux autres, sans procéder à aucun placement des fonds qu'il recevait. Ce qui lui laissait évidemment un solde positif respectable, tant que les investisseurs toutefois ne demandaient pas de se faire rembourser leurs mises. C'est un système d'escroquerie vieux comme le monde, mais il n'y a pas d'exemple qu'il ait été mis en oeuvre avec une telle ampleur, et surtout à ce niveau de notoriété de l'escroc...

Et ça dure, nous dit-on, depuis 20 ans... Et les "clients" de cet "investisseur" hors normes ne sont pas que de simples gogos-de-base comme on pourrait s'y attendre, mais des "grands" de la finance internationale ! Ainsi, on apprend tous les jours que telle ou telle grande banque, la BNP ou la Société Générale en France, Natixis, Unicredit, et la liste est longue, sont parmi les grosses (très grosses) victimes de cette escroquerie, d'un montant total estimé à 50 milliards de dollars, soit 37,3 milliards d'euros...

Derrière le fait divers se posent les questions de fond du "comment" et du "pourquoi".

Comment ?

Comment est-il possible qu'une telle arnaque ait pu être montée en toute tranquillité nonobstant la notoriété de Bernard Madoff dans le monde de la finance internationale ? Comment se fait-il que les autorités de régulation des marchés, sensées vérifier le bon fonctionnement et surtout la régularité des transactions, aient laissé faire sans rien voir durant tant d'années ? A priori incompréhensible...

Pourquoi ?

Pourquoi des banques réputées aussi sérieuses que celles que j'ai citées, et bien d'autres dont on ne connaît pas encore les noms, sont-elles aussi facilement tombées dans le piège ? Pourquoi ni les procédures de contrôle interne de ces entreprises, ni les autorités ministérielles auxquelles elles sont soumises, ni les autorités de contrôle des opérations de bourse, ne se sont aperçu de rien durant tant d'années ? A priori incompréhensible également...

Alors, il faut bien se rendre à l'évidence, et l'explication est finalement toute simple : la seule qui permet de comprendre.

Le système financier international fonctionne de manière libérale, et c'est très bien comme ça. Il serait absolument inadmissible, totalement sclérosant et parfaitement contre-productif que les politiques puissent intervenir dans le fonctionnement même des institutions financières, que ce soient les banques, les sociétés d'investissement, ou les bourses de valeurs. Le système capitaliste, qui par ailleurs est le seul qui permette le fonctionnement optimal de la production des richesses et de leur répartition, ne se conçoit que libéral. Toute intervention des pouvoirs publics est de nature à fausser son fonctionnement, à y introduire des distorsions et des blocages, et à conduire à des désastres.

Mais la liberté, ou le libéralisme qui n'est que sa traduction en tant que système, ne signifie pas l'anarchie. Et il est crucial que le fonctionnement des marchés réponde à des règles, faute de quoi il ne peut que déraper. Je l'ai déjà dit à plusieurs reprises et je pense que c'est maintenant une évidence pour tout le monde.
Ces règles existent, et existent également les organismes sensés contrôler leur application. Encore faut-il, pour que tout ça fonctionne correctement, que deux conditions soient réunies : la pertinence des règles et l'efficacité des systèmes de contrôle.

Depuis la fin des "trente glorieuses", c'est à dire en gros 1975, mais surtout depuis les années 1980, et au nom du libéralisme renaissant, qui était en soi une très bonne chose, les règles ont été modifiées et le fonctionnement des mécanismes de contrôle assoupli. Et ce fut, je pense, une profonde erreur que nous payons aujourd'hui.

L'affaire Madoff est directement liée à ce laisser-aller, qui est par ailleurs à l'origine également de la crise financière monstrueuse que nous venons de vivre, et qui n'est pas terminée loin s'en faut.
Alors, quand j'entends parler de "refondation du système financier", du "retour de la régulation", je ne peux qu'applaudir. En espérant que les dirigeants soient capables de se mettre d'accord pour faire ce qu'ils préconisent en matière de contrôle et par là de remplir leurs obligations de maintien de la sécurité, mais en espérant aussi qu'ils ne sombrent pas à l'inverse dans le dirigisme viscéral dont ils sont pour la plupart atteints. C'est bien ce dernier comportement que j'appréhende le plus de leur part aujourd'hui...
Car quand j'entends parler de "retour de l'Etat" dans l'économie et la finance, quand les keynésiens et les collectivistes de tous poils en profitent pour fustiger l'esprit libéral, voire le capitalisme, et déclarent comme j'ai entendu Martine Aubry le faire il n'y a pas si longtemps, "qu'un boulevard s'ouvrait pour les idées de gauche et pour le socialisme", il en va tout autrement...

Il ne faut pas "jeter le bébé avec l'eau du bain", et ce qui est en cause n'est pas le capitalisme ni même l'esprit libéral, mais seulement les pratiques laxistes qui ont consisté, dans le domaine économique et financier mais pas seulement, à laisser faire n'importe quoi. Et ceux qui se gaussent de soi-disant voir leurs idées triompher en creux, par l'absurde, feraient bien mieux de se souvenir des premières années du mitterrandisme, qui ont conduit leurs idées à plonger le pays dans une crise dont il n'est jamais vraiment sorti, puisque la dette publique abyssale qui est la nôtre est en grande partie due à cet épisode peu glorieux. Comme quoi trop d'interventionnisme étatique conduit à des absurdités au moins aussi graves que le laxisme.

Et quand j'entends ce matin sur Europe 1, Jean Pierre Jouyet, qui a pris aujourd'hui ses fonctions de tout nouveau président de l'Autorité des Marchés Financiers, dire qu'il souhaite "faire en sorte qu'il n'y ait plus d'institutions non régulées", je ne sais pas si on est en droit de s'en réjouir, c'est à dire de lui faire confiance pour faire ce qu'il faut, tout ce qu'il faut, mais rien que ce qu'il faut et pas plus qu'il ne faut...

Il reste à espérer que nos dirigeants, dont Jouyet, ancien ministre, soient capables de s'en persuader, et soient capables également du courage politique qui leur manque tant habituellement. Qui vivra verra...


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vendredi 12 décembre 2008

Relançons la République des Blogs à Lille

Rendez-vous le 28 janvier à Lille


La République des Blogs rencontre un grand succès, notamment à Paris. A Lille, la tentative de 2007 a avorté, à mon avis essentiellement par manque de ténacité.

Avec trois amis du Nord Pas de Calais, nous avons décidé de tenter de relancer l'idée :
- Le LHC Aymeric Pontier- Le Chafouin- Manue Colombani

J'ai contacté par courriel une vingtaine de blogueurs de la région pour les en informer, et j'ai déjà reçu 9 réponses favorables. C'est un bon début. Rome ne s'est pas construite en un jour...
Amis Nordistes, éditeurs de blogs à connotation politique ou simplement lecteurs / commentateurs, si l'idée vous séduit de vous retrouver une fois par mois dans une ambiance conviviale, pour discuter entre nous de l'actualité ou tout simplement pour échanger, diffusez l'information autour de vous.

Les réunions auront lieu le dernier mercredi de chaque mois. La prochaine est donc fixée au 28 janvier 2009. Nous sommes encore en train d'en rechercher le lieu précis, que je communiquerai très bientôt ici, ainsi que par courriel à ceux d'entre vous qui nous auront contactés.

Nous espérons que vous viendrez nombreux, et que ces rendez-vous entraîneront discussions fructueuses et échanges intéressants.

Qu'est-ce que la République des Blogs ?

C'est le rendez-vous mensuel, à Lille pour ce qui nous concerne, des blogueurs qui parlent politique et de leurs lecteurs, pour se rencontrer dans une ambiance sympathique, discuter et échanger, en prenant un verre.

Quand et où cela se passe-t-il ?

Le dernier mercredi de chaque mois, dans un café lillois qui offre suffisamment de places "debout" et qui accepte de nous recevoir.

Qui peut participer ?

C'est très simple : tout le monde ! En tous cas, tous ceux qui sont intéressés par le sujet : les éditeurs de blogs, leurs commentateurs, et même leurs simples lecteurs. Il suffit de respecter les règles de la courtoisie, du respect d'autrui et de la bienséance.

Que faire pour promouvoir la RdB lilloise ?

En parler largement autour de vous, sur vos blogs, dans vos commentaires, sur les forums, etc... Mais attention au "spam" et au "troll" : nous sommes fermement opposés à ces pratiques de "pollution" de la "toile"...

Qui contacter ?

N'hésitez pas à me joindre par courriel ou en commentaire sur ce billet, que ce soit pour poser des questions ou pour faire part de votre participation.

Et rendez au 28 janvier 2009 !


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jeudi 11 décembre 2008

Une petite histoire de bénéfices

D'abord, une petite fable fictive, bien que parfaitement crédible.

Je suis un salarié de l'industrie métallurgique. J'ai une certaine qualification professionnelle et une ancienneté qui font, à elles-deux, que je gagne honorablement ma vie. Mon salaire équivaut à peu de chose près à 2,5 fois le Smic. J'habite à 5 mn à pieds de mon lieu de travail, et je n'ai donc pas besoin de voiture pour m'y rendre.
Mon épouse travaille dans l'automobile, à quelques 40 kilomètres de notre domicile. Elle a un emploi tertiaire qui lui procure un salaire d'environ 1,5 Smic.

A nous deux, nous gagnons donc environ 4 Smics. Nous avons ainsi pu faire construire notre pavillon, évidemment à l'aide d'un emprunt bancaire. Bien que ce pavillon soit situé à proximité de mon lieu de travail, j'ai quand même pris la décision lorsque nous avons déménagé, d'acheter un deuxième véhicule. Cependant, je maintiens qu'il s'est agi d'une décision de bon sens économique.

En effet, nous avons deux enfants et notre véhicule était donc une routière de milieu de gamme capable de nous transporter confortablement tous les quatre, mais qui consomme plus que la moyenne. J'ai donc considéré qu'il était préférable que mon épouse ne l'utilise pas quotidiennement pour se rendre à son travail, et j'ai préféré acheter une petite cylindrée plus économique pour cet usage.

Nous ne roulons pas sur l'or, mais avant la crise nous avions néanmoins un train de vie honorable et assez confortable, ce qui rend jaloux quelques uns de mes amis, et, je le sais, pas mal de mes voisins. Il est cependant à noter que notre niveau de revenus n'est dû ni au hasard ni à des pratiques malhonnêtes : nous avons, mon épouse et moi, poursuivi des études qui nous ont permis d'occuper des emplois qualifiés et assez bien rémunérés, et nous avons su gérer notre budget et limiter nos dépenses. Nous avons donc réussi à constituer un petit patrimoine (notre pavillon), et nous avons en fin d'année, impôts (largement) payés, un revenu résiduel que nous plaçons dans un plan d'investissement (un de mes amis appelle ça du "bénéfice" !..)

Je suis assez heureux, du reste, que cette situation me permette de donner du travail à d'autres personnes : que ce soit un jardinier (à temps partiel évidemment), une femme de ménage (à temps partiel elle aussi), un voisin bricoleur à qui je confie quelques menus travaux d'entretien et que je rémunère en CESU. Tout ce petit monde, sans oublier mon garagiste qui a l'entretien mes deux véhicules, est bien content de profiter indirectement de notre activité, à ma femme et à moi.

Seulement, tout ce que je viens de détailler n'était vrai que jusqu'à maintenant. En effet, la crise est passée par là. Mon épouse a perdu son travail et je fais l'objet, évidemment avec beaucoup d'autres, d'une mesure de chômage partiel qui est prévue pour durer plusieurs mois. Et rien ne dit que je ne perdrai pas moi aussi mon emploi dans une laps de temps plus ou moins long...

Ca n'empêchera pas, bien entendu, les échéances du prêt bancaire, ni tous les autres frais courants, de continuer à courir : nourriture, eau, gaz, électricité, taxe foncière, taxe d'habitation, etc, etc...
Alors, j'ai pris les seules décisions qui s'imposent dans ces conditions dès lors qu'on sait gérer son budget : je vais vendre le deuxième véhicule, ce qui ne plaira pas à mon garagiste, je vais faire mon jardin moi-même, ce qui ne plaira pas à mon jardinier, ma femme fera elle-même l'entretien domestique de la maison, ce qui ne plaira pas à la femme de ménage, et en prime nous restreindrons évidemment nos dépenses d'habillement ainsi que nos sorties, ce qui ne plaira pas aux commerçants concernés.

Et pourtant, pour employer les termes qu'utilise l'ami dont je parlais tout à l'heure, nous avons "fait des bénéfices"...

Je vais maintenant vous raconter une autre histoire, tout aussi crédible mais tout à fait vraie celle-là.

Il était une fois un concessionnaire automobile situé à 40 km de chez moi, très prospère, qui faisait de gros bénéfices, et qui avait un secrétariat important, en rapport avec son volume d'affaires.

Il était une fois également une usine sidérurgique située à 5 mn à pieds de chez moi, qui faisait un énorme chiffre d'affaires notamment avec l'industrie automobile, qui réalisait elle aussi de très gros bénéfices, et dans le bureau d'études de laquelle j'étais employé.

Mais, pour ces deux entreprises aussi, la crise est passée par là... Le concessionnaire automobile a vu ses ventes chuter dramatiquement. L'usine sidérurgique, notamment à cause de la mévente dans l'automobile mais pas seulement, a vu également son chiffre d'affaires s'effondrer. Les deux ont été obligés de réduire leurs dépenses de frais généraux, et bien évidemment leurs effectifs. C'est ainsi que ma femme a perdu son emploi, que mon employeur a licencié également, et que je suis moi-même en chômage partiel.

Et pourtant, tous deux faisaient jusque là de gros bénéfices...

Et voilà enfin où je voulais en venir.

On entend à longueur de temps les hommes politiques (de gauche essentiellement) et les syndicalistes s'indigner du fait que les entreprises qui font des bénéfices licencient quand même en raison de la chute de leur activité. Il en est même qui prêchent l'interdiction des licenciements. Je suis pourtant intimement persuadé que ceux-là mêmes qui hurlent avec ces loups-là, approuvent à 100 % le comportement du couple dont je brossais le tableau dans la première partie de ce billet...

Il n'y a cependant aucune justification logique à une différence de jugement entre l'une et l'autre de ces attitudes. De quel droit peut-on demander à un industriel de continuer à payer du personnel dont il n'a plus l'utilité, même s'il a engrangé des résultats positifs jusque là ? De quel droit peut-on exiger de lui qu'il agisse autrement que le feraient ceux-là mêmes qui lui reprochent ? Quel différence objective y a-t-il entre un salarié qui vit de l'activité de son entreprise et son patron qui vit lui aussi de cette même activité ? Hors le fait, rédhibitoire pour certains, que l'un est patron (ou investisseur, ce qui revient strictement au même) et l'autre salarié. Hors le fait que, dans la tête de certains, les revenus du capital sont honteux et ceux du travail sont vertueux. Hors le fait que pour ceux-là, et par définition, les produits de l'entreprise doivent aller majoritairement et prioritairement aux salariés, et accessoirement seulement aux actionnaires (et encore...)

Et bien moi, ces raisonnements-là m'indignent. Ils déshonorent tout bonnement ceux qui les tiennent.

Appliquer leur politique, ce serait inéluctablement conduire à une fin certaine les entreprises concernées, et donc à la disparition programmée de la totalité de leurs emplois. Ils auront évidemment le culot ensuite de fustiger les erreurs de gestion qui auront conduit à la catastrophe, erreurs de gestion dont ferait partie le maintien des emplois inutiles... Où peut-on bien trouver après ça le plus petit semblant de crédibilité dans leur discours ?



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samedi 6 décembre 2008

Plan de relance des déficits publiques ?

La crise financière et la crise économiques mondiales, crise économique dont je persiste à dire qu'elle n'est pas la conséquence de la première, laquelle n'a fait qu'en amplifier l'intensité, a des conséquences désastreuses sur nombre d'individus, sur toutes les entreprises, et sur le "moral des troupes", ce qui n'est pas le moins regrettable au contraire...

Au plan macro économique, la première des conséquences négatives a été, et ce n'est pas en train de s'arranger, d'obliger les pouvoirs politiques à intervenir massivement dans l'économie, ce qui est totalement contre nature et habituellement toxique pour l'économie. Mais dans les circonstances actuelles, cette toxicité est, comme je l'ai déjà dit, un mal nécessaire, un peu comme quand on injecte de la morphine à un grand malade pour calmer sa douleur.

Malheureusement, les états dans le monde occidental, et la France en particulier, ont des finances publiques tellement calamiteuses que ces interventions qui, pour être efficaces, doivent nécessairement être massives, ne peuvent être mises en oeuvre que par le creusement des déficits, lesquels sont déjà abyssaux.

Mais les effets de cette crise mondiale ont néanmoins deux conséquences positives : le fait d'obliger les dirigeants à réfléchir et celui de les pousser à prendre des mesures possiblement impopulaires. Ils n'ont pas le choix : il en va de la survie même de leurs économies, c'est à dire indirectement de leurs administrés. Même si ces derniers ont pour certains l'impression que les mesures ne leur apportent rien, ce qui est totalement faux.
Ainsi en va-t-il notamment du plan de relance de l'économie française présenté hier. Certains de mes commentateurs habituels me reprocheront encore une fois de soutenir l'action du Président Sarkozy. Si c'est bien le cas sur ce sujet particulier, les plus objectifs d'entre eux reconnaîtront que je ne le soutiens pas sans faille au long cours...

Mais ici, je dois reconnaître que les décisions qui ont été prises vont dans le bon sens, et je m'en félicite pour la France comme pour les Français, même s'il faudra sans doute ajouter au plan des mesures complémentaires, y compris coûteuses, dans un avenir plus ou moins proche. Mais il faut espérer qu'elles seront inspirées par la même idée vertueuse : celle de soutenir l'investissement, c'est à dire l'offre, et non pas la consommation, c'est à dire la demande.

Avant d'expliciter ce dernier propos, je voudrais quand même soulever un problème qui risque de se poser très rapidement. La France n'est pas la seule à user du déficit budgétaire, c'est à dire de l'emprunt, pour financer un plan de relance ou de soutien à son économie, loin de là.

Ce sont au total des centaines et des centaines de milliards de dollars que les états vont devoir lever sur les marchés internationnaux. Or, outre le fait que les réserves monétaires disponibles ne sont pas illimitées, sauf à "faire tourner la planche à billets", ce à quoi ni le FMI ni la Banque Mondiale ne sont prêts et heureusement, ces réserves ne sont pratiquement constituées, aux niveaux actuels de cette demande nouvelle, que par des "fonds souverains" de pays particulièrement dangereux pour nous.

En effet, que ce soient les pays dits "émergeants", à commencer par la Chine, que ce soit la Russie, ou que ce soient les pays du Golfe, ce sont autant d'états pour le moins très peu démocratiques d'une part, peu scrupuleux on l'a déjà éprouvé du respect des accords internationnaux, et qui plus est demandeurs des hautes technologies que possède de facto l'Occident. Il y a donc un risque majeur à mes yeux que ces bailleurs de fonds profitent de l'aubaine pour obtenir de nous des avantages importants, en termes financiers ou, pire, en termes de transferts de technologie, ce qui fragiliserait notre place future dans le concert de la compétition internationale. Mais on n'a malheureusement pas le choix : c'est en grande partie la conséquence de notre inconséquence passée en matière d'équilibres budgétaires...

J'en viens à la nature même de la relance. Deux écoles s'affrontent sur le sujet : soit relance de la demande soit relance de l'offre.

La première consiste à "booster" la consommation par le biais du soutien ponctuel du pouvoir d'achat : augmentation des salaires (mais la plupart des entreprises sont déjà dans des situations scabreuses à cause de la crise) et des retraites, et injection directe de capitaux dans le tissu social soit par des aides ciblées (la prime à la casse de 1000 € en est un exemple) soit par des subventions en espèces (l'allocation de 200 € aux futurs bénéficaires du RSA par exemple).

Outre le fait qu'il ne peut s'agir que d'un saupoudrage (26 milliards d'euros divisés par 60 millions de Français égalent 433 € sur deux ans, soit 216 € par an, soit 18 € par mois !...), ce type d'aide a deux défauts qui la rendent inopérante. D'abord, ponctuelle elle ne résout aucunement le problème sur le long terme, et ensuite elle bénéficie autant (et surtout compte tenu de notre faible compétitivité industrielle - il suffit de voir les chiffres de notre commerce extérieur) aux industriels étrangers qu'à notre industrie nationale et donc à l'emploi. En ce sens, elle ne prépare aucunement l'avenir et la pérénité de notre activité.

La deuxième école, qui est celle qu'a choisi le gouvernement, est celle du soutien de l'offre par l'investissement.

Je peux concevoir qu'un grand nombre de personnes aient a priori l'impression qu'il s'agit essentiellement d'aider les entreprises ou, comme disent certains syndicalistes, de "distribuer de l'argent aux patrons". C'est tout à fait vrai dans un premier temps, mais totalement faux à plus ou moins court terme.

Soutenir l'investissement, c'est faire en sorte que les entreprises de ce pays aient l'oxygène nécessaire pour non seulement poursuivre leurs activités, c'est à dire sauver autant que faire se peut l'emploi, au présent. C'est surtout, si l'aide est correctement ciblée, et les conditions de son application vérifiées, augmenter rapidement la compétitivité de notre industrie, notamment par l'innovation, afin de lui permettre de gagner des parts de marché, tant à l'intérieur (moins d'importations) qu'à l'extérieur (plus d'exportations), et ainsi non seulement préserver mais développer l'emploi. Il est à noter que dans le plan proposé, figure l'interdiction de délocalisations pour les entreprises qui bénéficieront des aides. Même s'il s'agit d'une contrainte importante pour les entreprises concernées, on peut admettre en effet que l'on n'accepte pas que l'argent public serve à financer des plans sociaux, comme ce fut le cas dans le passé.

Au plan de l'investissement, le déclanchement rapide annoncé de grands travaux comme le canal Seine-Nord ou quelques lignes de TGV sont également une bonne nouvelle pour les entreprises concernées et par leurs salariés.

Le troisième axe du plan Sarkozy, peu commenté par la presse, me semble également à la fois intéressant et important. Il s'agit de la réforme des marchés publics. Dans un pays où la commande publique représente 10 % du PIB, ce poste n'est certainement pas négligeable.

La lourdeur actuelle des procédures fait que les délais de réalisation sont extrêmement longs, et découragent les petits fournisseurs. En outre, les délais de paiement des pouvoirs publiques sont également de nature à décourager les PME. Or ce sont elles, tout le monde le sait, qui soutiennent majoritairement le marché du travail.

Autre point négatif de la gestion des finances publiques : les aides fiscales, la plupart du temps conçues sous forme de crédits d'impôt, n'ont de réel impact sur les budgets des bénéficiaires, particuliers ou entreprises, que l'année suivante, puisqu'elles sont déduites de la charge de l'impôt. Le fait de verser immédiatement ces sommes, comme d'ailleurs les dettes de l'administration, au lieu d'attendre la feuille d'impôt est sans aucun doute une très bonne idée. Je tiens cependant à rappeler ici que, sur le fond, je suis personnellement opposé à ce style d'interventions qui crée des "niches", et donc des inégalités flagrantes devant la pression fiscale.
En résumé, voici un plan qui, pour la première fois depuis des décennies, agit sur les vrais leviers efficaces. En privilégiant la compétitivité actuelle et future des entreprises et en tournant le dos à un saupoudrage inefficace au bénéfice de la seule consommation immédiate, il est de nature à renforcer les capacités de l'entreprenariat à maintenir et à développer une activité soutenue, et donc à la fois l'emploi et le pouvoir d'achat.

Il faudra cependant, je ne suis pas angélique, à la fois vérifier qu'il est correctement mis en oeuvre d'une part, et que les conditions d'utilisation par le tissu industriel, grandes comme petites entreprises, seront correctement vérifiées et les abus sanctionnés d'autre part.

Ce n'est qu'à cette condition que cet accroissement du déficit et de la dette sera supportable, moralement comme économiquement.


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mercredi 3 décembre 2008

Economie sociale et solidaire.

Je sors d'une réunion publique intitulée "Forum de l'économie sociale et solidaire". J'y avais été invité par une amie, et dans la mesure où, je l'avoue bien humblement, je n'avais aucune idée de ce qu'était cette "ESS", j'ai répondu favorablement à l'invitation par simple curiosité.

J'y ai appris, dans le préambule de présentation prononcé par un éminent (mais ils le sont tous) élu local, que l'ESS en question était enseignée dans le cadre de l'IUT dans les locaux duquel on se trouvait réunis. Ce n'était pas encore le cas à l'époque où je fréquentais les bancs d'Assas. Aussi, et à ce stade, ma curiosité n'était pas encore satisfaite. Ca n'allait pas durer, et je n'allais pas être déçu...

Suivit une deuxième partie du préambule, aux bons soins d'un second intervenant qui s'est présenté comme le Secrétaire Général d'un organisme dont j'ai oublié le sigle, mais très officiel et très administrativement constitué, connu, et bien entendu ... financé !

Avant de me rendre à l'invitation, une consultation de Wikipédia m'avait donné quelques notions en m'informant que "Par économie sociale on désigne une doctrine politique qui entend développer, sous le nom de tiers secteur, les activités économiques qui ne sont organisées ni comme des entreprises capitalistes (puisque leur finalité n'est pas principalement de dégager un bénéfice), ni comme un service publique, ni comme une famille."

Ce que Wikipédia ne m'avait pas indiqué, et que j'ai découvert sur place, c'est que cette économie dite "sociale" était devenue également "solidaire" depuis qu'elle bénéficiait généreusement de la solidarité publique, c'est à dire de ... l'impôt !

J'explique avec mes mots, car ceux que j'ai entendus, directement empruntés à la langue de bois et au lexique politico-militant-de-gauche-assumé, ne rendent pas compte clairement de la réalité profonde du concept.
L'économie sociale et solidaire, c'est "la partie de l'économie qui met, parait-il, l'homme au centre du propos aux lieu et place du profit". En d'autres termes, c'est une activité économique (50 % parait-il de l'économie locale en Nord Pas de Calais !) qui ne génère pas de profits, et n'a d'autre finalité que de répondre aux besoins des citoyens sans souci de rentabilité.

Le point positif de ce "bidule", c'est qu'il serait porteur de créations d'emplois par charrettes, et d'emplois bien rémunérés s'il vous plaît. Jusque là, c'est assez séduisant. Mais l'empêcheur de rêver en rond que je suis s'est immédiatement posé la question-de-fond-qui-fâche : si ça ne fait pas de profits, si c'est essentiellement au bénéfice des populations modestes, et si ça rémunère bien ses intervenants, alors qui paie ? Il n'y a pas besoin d'être docteur en économie pour comprendre qu'il y a un problème de fond...

Par respect pour l'amie qui m'avait invité, je me suis bien gardé de poser la question, d'autant que je n'avais pas la parole, et je me proposais de soulever le lièvre lors de l'atelier de réflexion qui devait suivre et auquel je m'étais inscrit. Je n'eus pas besoin d'attendre cet atelier, et j'ai vite compris.

En fait, on a commencé par nous expliquer que, "comme nous le voyons en ce moment", l'économie de marché, celle qui a donné ses heures de gloire aux "trente glorieuses", ne répondait pas à toutes les situations, que le marché ne s'auto-régulait pas du tout, et que ce modèle économique était caduque. Qu'il fallait en inventer un autre, et que l'économie sociale et solidaire était de nature à répondre à ces nouvelles exigences.

On a ensuite continué logiquement en nous expliquant tout aussi naturellement que pour pallier les manques de l'économie de marché, les mieux à même de s'y coller étaient les élus, et que le monde associatif au sens large (associations, coopératives, fondations) avait toutes les caractéristiques pour être leurs intermédiaires de terrain, essentiellement financées par ... des subventions !

Ben voyons ! La voilà la réponse à toutes mes questions ! Comment n'y avais-je pas pensé plus tôt ? Dire que la solution était là, sous mes yeux : un président de communauté de communes, des élus, des associations (très) proches des politiques locaux. Et je n'avais même pas compris ! Suis-je bête...

Un petit détail quand même, car décidément j'ai toujours des questions impertinentes. Avec les impôts de qui va-t-on alimenter les subventions ? Avec le produit de quelle activité non-sociale et non-solidaire ? Bon Dieu, mais c'est bien sûr ! Avec le secteur marchand. Avec les profits de ces affreux capitalistes libéraux. C'est tellement facile...

J'avais sous les yeux, à portée de mains, tout ce qui représente la négation de tout ce à quoi je crois dans ce bas monde. Je baignais dans une soupe collectiviste et je ne m'en étais même pas rendu compte...

Inutile de dire que je n'ai pas participé à l'atelier prévu. Je me suis esquivé en présentant quelques excuses propres à ne pas vexer l'amie qui m 'avait invité, qui reste mon amie mais avec qui je refuserai à tout jamais de parler politique au risque que, rapidement, elle ne le soit plus si je lui disais ce que je pense vraiment...

Tout ceci dans le cadre d'un institut universitaire, en présence d'élus locaux, et donc avec toute l'apparence d'une manifestation officielle propre à engendrer le bourrage de crâne que je suppose bien être le but ultime de la manoeuvre.

Je ne vois pas bien pourquoi ce forum serait un cas isolé, et j'imagine donc, de plus, que de telles messes d'endoctrinement se déroulent un peu partout dans ce beau pays, aux frais du contribuable évidemment car il faut bien payer les frais que ça engendre...

Vive la République. Vive la France.

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mardi 2 décembre 2008

Fermons la parenthèse !

Voilà deux mois jour pour jour que je n'ai rien écrit ! Je ne vais pas m'étendre sur les causes de cet absentéisme aussi pénible (pour moi) qu'involontaire. Je vais cependant regretter de n'avoir ainsi pas eu le loisir de dire ce que je pensais, au fil de l'eau, des évènements qui se sont déroulés et des réactions dont on a pu être témoins, évènements et réactions qui auraient très largement mérité attention et commentaires de ma part. Beaucoup de mes amis blogueurs l'ont fait. Merci à eux, mais je me suis senti (et je me sens encore) frustré d'avoir été contraint au silence par manque de temps...

Désormais moins bousculé dans mon emploi du temps, je saute sur le loisir qui m'est enfin rendu pour fermer la parenthèse. Je ne reviendrai pas sur ces deux mois d'une intense foire d'empoigne politique, économique, financière et judiciaire, sauf pour dire que mon propos d'aujourd'hui m'a été directement inspiré par ces évènements-là, et qu'il est l'expression de ce qu'ils m'inspirent.

Il faut noter tout d'abord que je n'avais de toute évidence aucunement tort de dire que nous étions à l'orée d'une crise économique sévère et que la crise financière servirait à en masquer les véritables raisons.
Nous sommes malheureusement devant l'évidence que cette crise économique, qui avait commencé bien avant l'éclatement de la bulle financière américaine, est très profonde, bien plus peut-être que nous ne pouvons le percevoir encore aujourd'hui, et qu'elle aura (qu'elle a déjà) des conséquences hautement négatives sur la vie de tous les jours de chacun d'entre nous.

Il est moins évident qu'elle n'a pas pour point de départ la crise financière, et que cette dernière a tout juste "jeté de l'huile sur le feu". Il n'est pas encore évident non plus pour tout le monde que les pouvoirs politiques, partout dans le monde et particulièrement en Occident, s'en servent pour masquer le fait que leurs erreurs en sont la cause principale.

Je maintiens avec beaucoup d'autres que les politiques dirigistes de nos gouvernants, y compris de ceux qui se voient taxés de soi-disant libéralisme à longueur de temps, et je pense particulièrement aux USA mais les états d'Europe ne sont évidemment pas exempts, que ces politiques donc, menées à grands renforts de prélèvements obligatoires, de contraintes liberticides et de réglementations paralysantes, asphyxient les économies, annihilent les initiatives, et sont à la base de la faillite d'une mondialisation qui aurait dû être au contraire la source d'une développement sans précédent sur toute la planète. Seuls certains pays l'ont bien compris, même s'ils n'ont pas encore atteint le niveau de libéralisation souhaitable de leurs économies, et ce sont ceux, comme par hasard, que l'on qualifie à juste titre d'émergeants : la Chine, qui est en train, à trop petits pas, d'abandonner son économie collectiviste et planifiée, l'Inde qui s'ouvre avec bonheur à la liberté d'entreprendre, le Mexique qui copie, malheureusement pour lui, y compris les erreurs de l'Oncle Sam, et même la Russie qui peine à éradiquer les vieux démons de l'ex-URSS mais qui semble cependant sur le bon chemin.

Malgré ce constat évident pour peu que l'on veuille bien examiner les choses de l'oeil froid et impartial du témoin sans préjugés, on entend à n'en plus finir les anti-libéraux de tous poils profiter avec opportunisme de la crise actuelle, et de son traitement par les pouvoirs politiques, pour se vanter d'avoir eu raison de tous temps, pour crier la victoire évidente de leurs thèses, en stigmatisant ce qu'ils appellent la faillite du libéralisme, voire pour certains d'entre eux du capitalisme...

Un mot tout d'abord des interventions actuelles des pouvoirs publics. J'ai déjà dit largement ce que je pensais de l'injection par les gouvernements de capitaux publics dans l'économie. Je maintiens avec force que cet interventionnisme ne peut être que néfaste, pour les raisons que j'ai développées dans mes précédents billets. L'état n'a aucune légitimité à intervenir activement dans la sphère économique ou financière. Son rôle se borne, mais il s'agit d'une obligation incontournable selon moi, à en garantir le bon fonctionnement par l'édiction de règles strictes destinées à interdire les abus et à protéger ainsi les intérêts des citoyens, et par des contrôles efficaces de l'application de ces règles. C'est ce qu'on appelle communément la régulation, et que les autorités ont négligé dans les dernières décennies au profit de la réglementation, qui n'a pas de rapport avec la régulation et dont le but est notamment de profiter fiscalement de l'activité des opérateurs financiers sans souci de la sécurité des investisseurs, petits ou grands.

Mais nous sommes aujourd'hui devant une situation, directement induite par le laxisme que je viens de dénoncer, qui risque de mener à la faillite non seulement certaines banques comme on l'a dit, et comme a pu le constater pour certaines d'entre elles, mais par ricochet des pans entiers de l'économie dont les acteurs (les entreprises) dépendent directement de ces banques, en ce que ce sont elles qui, naturellement, distribuent le crédit indispensable à l'investissement quand ce n'est pas au fonctionnement des dites entreprises.
C'est en cela qu'on ne peut qu'approuver, avec moultes regrets mais avec pragmatisme, le principe des plans de soutien qui ont été annoncés. Même s'il y aurait beaucoup à dire sur leur contenu. A noter que ces interventions de fonds publics dans l'économie ne se conçoivent que temporaires et conditionnels. Les sommes injectées devront être remboursées la crise passée, et elles entraînent de la part de leurs bénéficiaires des comportements "de bon père de famille" comme disait jadis le code civil. La contrepartie de de l'aide publique étant une prise de participation dans le capital, temporaire je le répète, cette participation devrait être le moyen pour la puissance publique de s'assurer de ces bonnes pratiques. Encore une obligation à la charge des états, qu'on ne pourra pas leur pardonner ensuite de ne pas avoir assumée.

Quant au satisfecit des tenants d'une économie de forme collectiviste, je ne peux que leur conseiller d'être un peu plus modestes, et de ne pas penser trop vite qu'ils avaient raison, qu'ils ont raison, ni même qu'ils auront raison un jour. Ce que nous vivons n'est pas du tout la faillite des politiques libertaires (je veux dire par là des politiques respectueuses de la liberté), et encore moins la preuve par l'absurde (ce serait en effet absurde de le penser) que le socialisme (pour enfin prononcer le mot) est la solution.

C'est au contraire le manque de libéralisme qui a conduit à la catastrophe. Encore faut-il se mettre d'accord sur le sens du mot. Libéralisme ne signifie pas anarchie, et liberté ne signifie pas chienlit. Le libéralisme, ce n'est pas l'absence de règles, c'est l'institution des seules règles qui permettent de garantir la liberté et la sécurité des citoyens, et en particulier des acteurs économiques. Etre libre ne signifie pas avoir le droit de tuer son voisin (ni physiquement, ni socialement, ni économiquement), cela signifie avoir les mêmes droits que lui et cela suppose d'être tenu de respecter les siens.

Le respect de cet équilibre subtil est la charge qui pèse sur la puissance publique. Elle est sa seule raison d'être. Le rôle de l'état n'est pas de faire la morale, de penser à la place des citoyens, de les contraindre malgré eux à tel ou tel comportement, même si on pense que c'est mieux pour eux. Le rôle de l'état n'est pas de faire le bonheur de ses administrés. Ils sont assez grands pour savoir ce qu'ils veulent, ce dont ils ont envie et ce qu'ils veulent faire. Le rôle de l'état, c'est de leur permettre de le faire, en garantissant leur sécurité.
C'est ce qui n'a pas été fait sur le plan économique et financier et qui a provoqué la faillite d'un système bancaire dont les dirigeants ont enfreint les règles de sécurité propres à préserver les investisseurs, grands et petits. Au lieu de réguler, les états ont réglementé, et ce n'est pas du tout la même chose. De plus, ils n'ont pas suffisamment contrôlé, ni le bien-fondé des règles édictées, ni le respect de ces règles. Les états ont failli à leur devoir de base : celui de préserver et de garantir la liberté et la sécurité de leurs administrés. Ce n'est pas la faillite du libéralisme, c'est celle du dirigisme. Nuance.

Alors, cessez s'il vous plaît de crier haro sur le capitalisme et ce libéralisme que vous dites exécrer sans même vous donner la peine de comprendre ce qu'il est. Il est temps d'être sérieux et de ramer dans le bon sens. Il est temps de fermer la parenthèse...


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jeudi 2 octobre 2008

Et la fête continue...

Mon dernier billet, du 23 septembre, sur la crise financière américaine mondiale, a fait couler pas mal d'encre eu égard à la modestie de mon blog. Je n'en suis pas mécontent, au contraire, et je remercie mes commentateurs, même et peut-être surtout ceux qui m'ont contredit attaqué. C'est comme ça que naissent les débats constructifs intéressants.

En une dizaine de jours, la crise économique financière a suscité nombre de réactions, de rebondissements, de commentaires, et... de conneries monstrueuses.

Mais de tout ce brouhaha et de tout ce remue-ménage politico-médiatique, il ne ressort finalement qu'une "morale" (au seul sens des fabulistes, car il n'y a rien de très moral là-dedans finalement !) : comme à l'accoutumée, le monde politique n'a pas d'autre réponse, quel que soit le problème qui s'offre s'impose à lui, à savoir la fausse monnaie planche à billets et les déficits. Ce qui revient à faire payer le contribuable pour renflouer les éventuelles pertes présentes ou à venir de ce même contribuable. Cela revient à expliquer à celui qui aura perdu la moitié de ses économies comment il peut se refinancer lui-même avec ses impôts. Quelle action géniale, n'est-ce pas ?

Dans un premier temps, j'ai constaté avec étonnement que la Chambre des Représentants des Etats Unis avait pris une décision sensée, d'ailleurs soutenue par une large majorité d'Américains d'après les sondages, à savoir le refus de ce plan auquel Busch n'a même pas osé donner son propre nom, et qu'il a affublé de celui de son Secrétaire d'Etat au Trésor, ce qui ne lui a en rien donné plus de pertinence. Mais le Sénat américain hier et la même Chambre des Représentants cette nuit, ont finalement voté le plan. Et, cette fois, je n'en suis pas du tout étonné. C'est bien dans la logique de cette Amérique que beaucoup prétendent libérale, et qui en fait n'a qu'un credo : l'adoration du dieu Fortune. Ce n'est pas du libéralisme, ce n'est que de la boulimie de consommation.

Et ça n'a rien à voir...

Je sais que je vais faire bondir beaucoup de mes lecteurs en parlant ainsi mais, comme je l'ai déjà dit, déverser 700 milliards de dollars (que l'on n'a pas) à destination des établissements financiers responsables de la crise actuelle par leur prise de risque incompétence exagérée, c'est à la fois un forfait à l'égard du contribuable américain, un coup d'épée dans l'eau, et une incitation au crime.

En effet, ajouter 700 nouveaux milliards au déficit budgétaire fédéral, c'est appauvrir d'autant les contribuables. C'est en outre inopérant, dans la mesure où ces capitaux publics ne suffiront en aucune manière à sauver l'économie, même s'ils donnent de l'oxygène à court terme aux institutions bancaires américaines. Ils les sauveront peut-être de la faillite, mais ils ne permettront certainement pas de faire renaître la confiance, condition sine qua non au redémarrage d'une économie mondiale tout bonnement stoppée par le coup de tonnerre financier qu'on vient de vivre.

Et surtout, c'est donner un signal désastreux aux responsables de la situation actuelle. C'est dire aux dirigeants des banques : "Allez-y, ne vous en faites pas, continuez à faire n'importe quoi. L'Etat sera toujours là pour couvrir vos erreurs." Non seulement l'Etat les Etats n'est ne sont pas capables d'exercer sa leur mission de protection de la propriété privée du citoyen en faisant la police qui est sa leur raison d'être, mais encore ils couvrent les fautifs et les refinancent quand ils se sont crashés ! Avec l'argent du citoyen, évidemment. Ou plutôt avec celui de ses enfants compte tenu de l'état désastreux des finances publiques...

Mais le scandale que je dénonce ici ne se limite pas aux Etats Unis, et c'est pourquoi je mets les Etats au pluriel. La contagion tant redoutée au niveau de la mauvaise santé des systèmes financiers dans le reste du monde, contagion assez souvent peu probable finalement à grande échelle, est par contre avérée pour ce qui est des réactions des dirigeants politiques, à commencer par le nôtre. Avec la circonstance aggravante qu'il préside actuellement le Conseil Européen, et que donc il risque d'entraîner dans son sillage l'Union Européenne toute entière par l'entremise de la BCE s'il parvient à ses fins.

Tout d'abord, les états du Benelux nationalisent Fortis. Puis la Belgique (décidément !) et la France s'associent pour nationaliser à son tour Dexia. Il est vrai qu'en Europe, les nationalisations ont été de presque tous temps une maladie très répandue, mais on commençait à croire à la guérison. De toute évidence il n'en est rien, et le soi-disant libéralisme tant reproché à la Commission Européenne, à la plupart des Etats membres, et à la France en particulier, s'accomode de toute évidence assez bien des comportements collectivistes ancrés dans leurs cultures !

Non content de cela, on prête à Nicolas Sarkozy l'idée d'un plan, "à l'américaine" mais à dimension européenne, de soutien au secteur bancaire, à hauteur de 300 milliards d'euros. Le seul fait que Christine Lagarde dans un premier temps, et Henri Gaino ce matin, démentent chacun avec une ardeur courroucée, est peut-être bien le signe que cette éventualité n'est pas si absurde que ça...

Pauvres citoyens que nous sommes décidément. Pauvres épargnants d'abord, qui faisons confiance à notre banquier pour faire fructifier (!...) nos maigres économies. Pauvres investisseurs aussi, qui mettons lesdites économies, quand elles sont un peu plus importantes, dans des valeurs boursières que les irresponsables à qui nous confions nos intérêts dilapident sur des marchés hasardeux mieux qu'on ne pourrait le faire nous-mêmes au casino, et sans plus de conscience et de responsabilité (dans les deux sens du terme puisqu'ils ne risquent rien !). Et pauvres contribuables enfin à qui on vient prendre le peu qui reste pour refinancer les coupables !

On s'étonnera ensuite que la politique intéresse de moins en moins, et que l'abstention soit reine lors des scrutins importants...

Mais au-delà de ces constatations aussi alarmantes que pitoyables, j'ai bien peur pour ma part que l'attitude de nos dirigeants soit mue par une arrière-pensée plus alarmante encore.

Avez-vous remarqué avec quelle vigueur les responsables politiques français nous rabachent à longueur de temps que "le système bancaire français est solide", que "les banques françaises sont généralistes, et ne sont donc pas exposées autant que leurs consoeurs américaines", et "qu'il est donc inutile de s'affoler". Ca fait penser au nuage de Tchernobyle, mais je pense très sincèrement que le raisonnement n'est pas totalement fallacieux, et que l'on risque beaucoup moins en France que dans beaucoup d'autres pays, même européens.
Mais alors, pourquoi dans le même temps se sentir obligé de dire avec tant d'instance "que l'Etat garantira quoi qu'il arrive les avoirs des comptes courants et des comptes épargne", et "qu'il ne permettra pas qu'aucun Français perde un seul euro du fait de la défaillance de sa banque" ? S'il n'y a pas de risque d'incendie, alors pourquoi tant insister sur la performance des pompiers ? D'autant que c'est totalement contre-productif. Les citoyens ne sont pas que des imbéciles, et ils se disent instinctivement que s'il y a tant de garde-fous mis en place, c'est bien qu'il y a de la démence dans l'air. Or, je le répète, la confiance est le seul moteur de l'économie et de la croissance.

Eh bien voilà le coeur du problème, justement. Je pense que la crise financière que nous vivons trouverait tout naturellement son issue, même sans toutes ces interventions et même sans tout ce tapage électoraliste politique. Par contre, une autre crise bien plus sévère encore, et sur laquelle les politiques ne peuvent déjà plus grand chose, est enclenchée et ne fera qu'empirer, mécaniquement, au minimum dans les trois à cinq ans à venir. Et cette crise-là n'est pas seulement financière. Elle est économique. Elle est due en grande partie à la raréfaction des ressources énergétiques et des matières premières, en regard de la demande démesurément accrue (pays émergeants, augmentation de la population mondiale...), raréfaction pourtant parfaitement prévisible, sans aucun doute appréhendée depuis longtemps, mais à laquelle on n'a rien fait pour répondre. Et il sera certes commode, quand "on aura le nez dedans", de prétendre qu'elle sera due à la crise financière d'aujourd'hui. D'où la "nécessité" d'affoler l'opinion, quitte à aggraver encore la situation économique.

A force de vouloir intervenir sur tout, sauf sur les fondamentaux; à force de faire du social inopérant, coûteux et contre-productif, au lieu de mettre en oeuvre ses missions régaliennes; à force de penser plus au bulletin de vote qu'à la sécurité des citoyens, dont devrait faire partie une vraie moralisation des marchés; à force de se dire libéral tout en agissant en constructiviste acharné, l'Etat est passé à côté de sa raison d'être. Il s'est laissé engluer dans des actions indignes de lui, liberticides et déstabilisantes pour la société et le citoyen qu'il est sensé préserver.

Alors, faute de pouvoir agir, il en est réduit à faire semblant. Il fait les deux seules choses qui demeurent possibles pour lui : tenter de masquer par tous les moyens, y compris fallacieux, son incapacité à résoudre les problèmes, et payer avec des fonds qui ne lui appartiennent pas un semblant de stabilité.

Il échouera sur les deux tableaux. Mais en attendant, il "arrose" avec nos impôts. Et que la fête continue...


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mardi 23 septembre 2008

Capitalisme libéral et crise financière

Le 14 septembre dernier, je promettais un billet sur le sujet de la crise financière. Pardon pour le délai, mais tout arrive et je vous le livre aujourd'hui.

Pendant que je terminais son écriture, le Président du Conseil Européen (et non pas de l'Union Européenne comme il aime à s'en vanter à tort) prépare un discours devant l'ONU dont on nous dit qu'il comportera une prise de position, et peut-être une initiative. Si effectivement ce discours apporte quelque chose de neuf et d'important dans le débat, j'y réagirai. Mais je ne crois pas beaucoup à sa capacité d'influencer le monde financier, ni même le monde politique, planétaires. Et je ne suis pas certain du reste que les remèdes qu'il préconisera aillent véritablement dans le bon sens. J'ai cessé de croire à sa réelle volonté, ou à tout le moins à sa réelle capacité, d'aller au bout de la logique qui, pourtant, était la sienne affichée il y a encore peu. Qui vivra verra...

La crise que nous vivons (et non pas "que nous venons de vivre" comme je l'ai entendu ce matin encore) n'est ni plus ni moins que la conséquence logique, prévisible, et imparable, de comportements insensés de décideurs irresponsables. Que les anti-capitalistes de tous poils ne se réjouissent pas trop vite de mes propros : la suite va moins leur plaire...

Je l'ai encore écrit récemment : le capitalisme libéral est le seul système capable de favoriser efficacement, et je suis prêt à dire "de permettre", la mise en oeuvre de l'esprit d'entreprise, de créer des richesses de manière dynamique, et de permettre à chacun de profiter de manière juste des richesses produites.

L'être humain a ses caractéristiques naturelles incontournables qu'aucune théorie, aussi pensée et aussi sérieuse soit-elle, ne pourra pas plus changer que quelque législation ou quelque système politique que ce soit. Et parmi ces caractéristiques, il en est une qui est selon moi partie intégrante du concept d'intelligence dont s'enorgueillit notre espèce : chacun de nous a le souci de son propre intérêt, et quand nous faisons des efforts c'est avant tout pour profiter de leurs fruits. Obliger les individus à travailler dans la seule optique de la collectivité, et leur demander de faire confiance à cette collectivité pour subvenir à leurs propres besoins, est vain par avance, et je répète que c'est selon moi le signe d'une intelligence supérieure dont ne sont pas doués, par exemple, un chien de meute ou un loup, une abeille ou même un primate...

Ca ne justifie nullement des comportements du type "chacun pour soi", et la solidarité est également un signe d'intelligence. Elle est aussi une composante importante de l'humanisme dont je me réclame. Mais demander que chacun cesse de penser à lui pour ne penser qu'aux autres, ou même fasse passer couramment ses propres intérêts après ceux des autres, serait une hérésie, et le faire serait un signe de déficience intellectuelle.
Le capitalisme est un système qui permet à celui qui produit des richesses, à quelque niveau qu'il se trouve dans la chaîne de production, de profiter des fruits de son activité. C'est vrai pour l'investisseur qui voit son investissement valorisé et qui perçoit sa part des bénéfices sous forme de dividendes. C'est vrai aussi pour les salariés qui perçoivent leur part de ces mêmes bénéfices sous forme de salaire. Et plus on produit de richesses et plus il y a de fruits à se partager.

Dans un système collectiviste, les richesses produites sont mises en commun et partagées uniformément (du moins en théorie) entre les individus. Chaque individu n'a donc plus d'intérêt direct à faire des efforts de production, et c'est le meilleur moyen de démotiver tout le monde. On sait quel a été le résultat des expériences qui ont été menées en appliquant à la lettre ces théories, de l'URSS et de ses satellites à la Chine avant son virage capistaliste à la fin du siècle dernier.

Dit comme ça, on pourrait croire que "tout est pour le mieux dans le meilleur des mondes capitalistes". A ce stade de ce billet, beaucoup sans doute me reprochent déjà ce sophisme.

Comme toute construction humaine, la construction d'une société capitaliste comporte par nature ses erreurs, dont la première est sans aucun doute de ne pas appliquer correctement et complètement le principe qui la sous-tend. C'est ainsi que pas un seul pays au monde ne met en oeuvre un capitalisme économique "pur et dur", c'est à dire libre et sans contrainte, qui selon moi est contenu de manière implicite dans la doctrine libérale. Et, j'ai déjà eu l'occasion de le dire, les entorses faites au système (capitalisme dont je parle ici ou libéralisme dont je parle souvent par ailleurs) ont deux conséquences immédiates et imparables : primo le fonctionnement est faussé et ses résultats dévalorisés; secondo les adversaires du système trouvent à profusion des arguments pour le dénigrer en "oubliant" évidemment de dire qu'il n'est en fait pas appliqué...
Voilà pour le capitalisme économique : le seul qui vaille car celui qui s'appuie sur la production de richesses dont il est chargé de réglementer la distribution entre les acteurs du marché.

Mais un autre aspect du capitalisme a vu le jour depuis longtemps, et a pris un essort sans précédent depuis la "révolution industrielle" au 19ème siècle. On l'appelle communément "capitalisme financier", et s'il est l'émanation du capitalisme économique dont je viens de parler, il en constitue une "verrue" que je qualifie de "tumorale", et je vais essayer d'expliquer pourquoi.

Je l'ai dit, le système capitaliste est le moyen de permettre aux uns d'investir et profiter de leurs investissements, et aux autres de travailler et de profiter des fruits de leur travail. Dans les deux cas, les bénéfices tirés de l'activité sont représentés par les richesses produites.

Pour permettre les échanges entre investisseurs, les titres de propriété des entreprises (les actions) sont placés dans des bourses d'échange où ils voient leur valeur fluctuer à la hausse ou à la baisse en fonction "du jeu de l'offre et de la demande" : plus il y a d'acheteurs potentiels d'une action donnée et plus sa valeur (son "cours de bourse") augmente. Inversement, si peu d'investisseurs se déclarent acheteurs, le cours baisse. Jusqu'ici, rien d'anormal. La prise de valeur d'une action est la conséquence de la bonne santé de l'entreprise, et donc de la production de richesses par cette entreprise. Il n'y a rien d'artificiel là-dedans.

Par contre, un autre aspect de l'activité de certains investisseurs est hautement condamnable en ce sens qu'il fausse délibérément le bon fonctionnement du système : je veux parler de la spéculation.

De quoi s'agit-il, expliqué simplement ? Il s'agit de faire monter artificiellement le cours de bourse d'une action pour la vendre plus cher qu'elle ne vaut, ou inversement de faire chuter son cours pour l'acheter "à vil prix", le tout sans aucun lien avec l'activité et la santé réelle de l'entreprise concernée. Les techniques qui permettent ces fluctuations articifielles des cours sont nombreuses, et certaines sont tout simplement illégales. Peu importe le détail de ces pratiques, c'est le principe de la spécualtion elle-même qui est un non-sens économico-financier.

J'en arrive à la crise que nous connaissons, qui de financière et liée à des opérations spéculatives est devenue économique, et je vais tenter d'expliquer pourquoi. Je sais par avance que beaucoup vont m'objecter que tout ça est trop simplement dit. C'est volontairement que je n'entre pas dans les détails et que je m'en tiens aux grandes lignes, au demeurant suffisantes pour expliquer.

A l'origine de cette crise se trouve ce que l'on a apelé "l'affaire des subprimes". Il s'est agi, pour les banques américaines, de profiter plus que de raison de l'essor du marché immobilier. Les prix de l'immobilier ont "flambé" d'un côté comme de l'autre de l'Atlantique à cause d'une demande énormément supérieure à l'offre, et il n'y a rien là que de très normal. Mais en raison de cet état de fait, nombre de banquiers américains, parmi les plus importants, se sont mis à distribuer des crédits immobiliers à taux variables à n'importe qui et sans discernement de solvabilité. L'idée de base était simple : si le client ne peut plus payer, et comme la valeur de son bien prend constamment de la valeur, la banque aura tout loisir de vendre ce bien, sur lequel reposait évidemment le nantissement (la garantie) du prêt, pour récupérer son dû. Ces prêts étaient consentis à taux variable pour permettre à la banque de répercuter auprès de ses clients les variations possiblement importantes des taux d'intérêt.

Les taux d'intérêt ont effectivement évolué dans le mauvais sens, les échéances des prêts en question ont donc augmenté très considérablement, et un nombre très important d'emprunteurs se sont trouvés dans l'impossibilité de faire face à leurs obligations. Tant que les prix de l'immobilier montaient, les banques vendaient les biens nantis, les gens se retrouvaient à la rue mais les banques rentraient dans leurs fonds.
Mais toute embellie a un fin, et le marché de l'immobilier, en Amérique comme en Europe, s'est "retourné", et les prix se sont mis à chuter sans que les taux d'intérêt ne baissent. En conséquence les emprunteurs ne pouvaient toujours pas payer, mais les banques ne pouvaient pas non plus vendre les immeubles suffisamment cher pour entrer dans leurs fonds. D'où des difficultés financières très importantes pour beaucoup d'entre elles, et d'où des faillites en cascade.

Et le problème ne se limite pas à cette situation, déjà catastrophique. Les banquiers avaient en outre inventé ce qu'ils ont appelé la "titrisation" de leurs créances. Afin d'assurer un peu plus les risques fous qu'ils avaient pris avec ces pratiques tant hasardeuses, ils ont créé des "produits financiers", c'est à dire des titres de créance qu'ils ont vendus aux autres banques un peu partout dans le monde. De ce fait, quand les difficultés que je viens d'expliquer se sont fait jour aux Etats Unis, ce sont toutes les banques du monde ou presque qui se sont retrouvées avec des titres de créance qui ne valaient plus rien.

Or les banques, dans le monde entier, n'ont heureusement pas comme activité que de spéculer et espérer des bénéfices faramineux sur le dos de leurs clients. Elle font aussi leur métier, qui est essentiellement de financer par des prêts et moyennant intérêts (c'est là leur seule vraie source crédible et normale de revenus) les activités de leurs clients, que ce soit pour des opérations immobilières, pour des achats de consommation des ménages, ou pour les investissements dans les entreprises. Si un nombre très important de banques, et particulièrement les plus grandes d'entre elles, connaît de graves difficultés financières, elles se retrouvent de facto dans l'impossibilité de remplir ces missions qui sont les leurs naturellement.

Et c'est ainsi qu'aujourd'hui, il est de plus en plus difficile d'obtenir un prêt à la consommation (pour acheter un téléviseur, une voiture ou des meubles par exemple), de plus en plus difficile également d'obtenir un prêt immobilier pour faire construire sa maison ou pour la rénover, et surtout de plus en plus difficle pour les entreprises de financer leurs investissements (achat de machines-outils par exemple).

En conséquence, les marchands d'électroménager, l'industrie automobile, les marchands de meuble, entre autres, ne vendent plus. Leurs fournisseurs non plus. En conséquence également, les entreprises de bâtiment voient "fondre" leur marché. En conséquence toujours, les entreprises n'investissent plus et deviennent incapables de répondre aux besoins de leurs propres clients, etc, etc.. Sans oublier que tout le monde dans cette chaîne économique, voyant son activité diminuer considérablement, va devoir en tirer les conséquence sur le plan de l'emploi. D'où non seulement peu d'embauches, mais encore des licenciements...

Evidemment, tout ce marasme économique provoque une chute vertigineuse de la valeur des actions des entreprises, partout dans le monde, et comme une grande partie de l'épargne, les économies des ménages et les retraites complémentaires par exemple, est "assise" sur des actions en bourse, c'est également cette épargne qui "fond" à vue d'oeil, au rythme de la "dégringolade" des indices boursiers.

Moralité, si l'on peut dire dans une affaire qui en manque tant : une perversion par certains d'un système qui, à la base, est garant, tant qu'il est respecté, des intérêts et de la prospérité de chacun. Et cette perversion provoque une véritable catastrophe planétaire.

Je ne dis évidemment pas que cette crise dite "des subprimes" est la seule responsable de la crise actuelle : d'autres pratiques spéculatives, et pas seulement en Amérique, sont là pour l'alimenter encore aujourd'hui.
Si le capitalisme économique est, je le répète, le meilleur outil économique en ce bas monde, et si l'Etat n'a aucune vocation à y participer directement ni à en limiter la liberté d'action, il a par contre le devoir d'assumer sa fonction régalienne de garantie de la sécurité du citoyen et de ses biens. Et cette fonction recouvre la vérification du fonctionnement normal et honnête du système. Il dispose pour cela, dans tous les grands pays du monde, d'outils législatifs et d'organismes de contrôle qui, s'ils avaient été utilisés comme ils auraient dû l'être, n'auraient pas permis ces pratiques douteuses et ces prises de risques inconsidérées, et auraient ainsi eu toutes les chances d'éviter la catastrophe que nous vivons aujourd'hui.

Au lieu de cela, les états ont démissionné de leur mission de base, et ont laissé faire sans intervenir, eux qui pourtant sont si prompts et si enclins d'ordinaire à s'occuper de ce qui ne les regarde pas. Gageons que des raisons politiciennes (électoralistes) sont au minimum une des causes de ce laxisme. On pourrait aussi imaginer quelques "prises illégales d'intérêt" ou quelques "délits d'initiés". Mais je n'ai pas de preuve, et je ne m'aventurerai peut-être pas jusque là...

Aujourd'hui, les conséquences sur l'économie mondiale sont telles que tout le monde a peur. Le spectre de la crise de 1929 revient dans tous les commentaires, même si les causes ne sont pas les mêmes et que les effets ne seront donc pas les mêmes non plus (mais peut-être seront-ils pires ?).

Et ce qui fait peur aux citoyens fait peur aux politiciens : c'est le "syndrome du bulletin de vote". De ce fait, chacun y va de sa déclaration, de sa prise de position, et de sa "mesurette". Jusqu'au jour où, n'y tenant plus, le plus concerné d'entre eux, le plus près du problème de base aussi, et le plus responsable peut-être, "frappe un grand coup". En deux temps.

D'abord, il fait pression sur sa banque centrale (la Réserve Fédérale américaine), et elle consent un prêt d'un montant inégalé au plus gros banquier-assureur américain, AIG, proche de la faillite. J'ai soutenu, et je maintiens, que cette action n'était pas contre nature : il ne s'agissait pas d'une nationalisation puisque ce prêt, consenti en contrepartie de 80 % des actions de l'entreprise, était limité dans le temps. Il s'agissait donc bien d'une opération bancaire normale de refinancement, même si son montant était spectaculaire. Les autres grandes banques centrales ont d'ailleurs fait la même chose ou à peu près, en plus petit. A commencer par la Banque Centrale Européenne.

Mais ensuite, il "franchit le pas" et commet l'erreur du siècle en injectant des sommes colossales à fonds perdus, au nom du Trésor Public américain cette fois, et non plus de la banque centrale, et rachète purement et simplement les "créances douteuses" des entreprises bancaires les plus en difficulté. C'est de l'ingérence et de l'interventionnisme au premier degré, officiellement aux frais du contribuable mais en réalité par le jeu d'une aggravation du déficit du budget fédéral, qui pèse déjà de tout son poids faramineux sur l'économie mondiale. On viendra ensuite me dire que le libéralisme a tous les défauts, et que l'on peut les constater dans la société américaine soi-disant libérale ! Si, ça, c'est du libéralisme, alors je n'y comprends vraiment plus rien !..

Une dernière constation, bien peu optimiste : après un rebond spectaculaire de tous les marchés boursiers, ils sont aujourd'hui repartis à la baisse. Comme quoi l'interventionnisme des états est non seulement contraire à toute logique économique, mais encore inefficace. Je l'ai toujours dit. C'est ici flagrant. J'aurais pourtant, cette fois, préféré me tromper...


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dimanche 14 septembre 2008

Quelques précisions importantes.

Mon article du 12 septembre a provoqué, déjà, certains commentaires qui me poussent à y apporter quelques précisions.

1) Sur le revenu d'existence

L'orthodoxie libérale voudrait que je sois d'accord avec Criticus concernant le "revenu d'existence". En effet, rien au prime abord n'oblige, et même rien objectivement ne justifie à la base, le versement d'un revenu quelconque financé par l'impôt, et c'est une forme de cet interventionnisme que je dénonce à longueur de temps.

Au prime abord seulement, et au niveau de l'othodoxie seulement. Car en effet, le développement de nos sociétés, le niveau atteint par nos économies et celui des richesses qu'elles produisent, ne permettent pas à mon sens de supporter que des individus quels qu'ils soient se trouvent dans un état d'extrême pauvreté mortifère. L'image d'Epinal des mendiants aux portes des églises du Moyen Age, et la réalité des SDF qui meurent encore aujourd'hui dans nos rues, me sont tout simplement insupportables dans le contexte de nos sociétés évoluées.

Ceci étant, je suis totalement d'accord pour dire qu'"il faut travailler pour vivre". Je n'irai cependant pas jusqu'à dire qu'il faut nécessairement "travailler pour survivre". Ce n'est pas la même chose.

Le "revenu d'existence", idée qui n'est pas de moi (elle figure dans le programme d'Initiative Libérale) mais qui m'a séduit, ne doit évidemment pas être celui qui permet de vivre normalement à ne rien faire ! Je pense que l'on ne me fera pas l'injure de me prêter cette opinion. Très en-deçà du seuil de pauvreté (sans doute inférieur au RMI actuel), il ne serait destiné qu'à éviter les situations de désespérance qui peuvent aller jusqu'à la mort. Il y a des exemples à longueur de temps, et c'est, de mon point de vue toujours, totalement insupportable eu égard au niveau de civilisation qui est le nôtre.

De très faible importance, payé par tous et perçu par tous, y compris ceux qui le financent, soumis lui-même à l'impôt sur le revenu proportionnel, il ne représenterait pas, in fine, une charge très lourde, et ne comporterait surtout pas l'inconvénient d'inciter à ne pas travailler, puisque le salaire découlant d'un emploi, quel que soit son montant, viendrait par définition s'y ajouter. Il serait donc dans tous les cas plus bénéfique de travailler que de ne rien faire. Mais n'oublions pas les oubliés : ceux qui pour des raisons diverses et variées sont sans emploi à leur corps défendant. Ceux-là, nous n'avons pas le droit, même les libéraux dont je me réclame haut et fort, de "les laisser crever"...

Ca ne va en rien dans le sens d'une contestation du fait que "le travail est une nécessité pour vivre et que tout homme a le besoin de travailler pour se sentir bien", contrairement au préambule de l'intervention de Mathieu L sur son propre blog, qui se veut être une réponse à mon billet.

Il ne faudrait pas que Mathieu, que j'estime par ailleurs pour son esprit critique même si je ne partage absolument pas ses idées, confonde ma prise de position avec un éventuel "virage à gauche". Je répète que ce "revenu d'existence" n'est dans mon esprit qu'un mal nécessaire destiné à éviter le pire, et ne modifie en rien mes convictions libérales.

Toutes les objections contenues dans son article ne relèvent que de la philosophie collectiviste que je combats. En particulier, dire que ce revenu d'existence pourrait devenir un "super RMI" destiné à couvrir tous les besoins (alimentation, logement, transport, énergie...) est une déviation hérétique de mon propos. C'est le fruit du travail qui doit permettre à l'individu de subvenir à ses besoins, pas l'aide publique. L'activité, pas la charité. L'effort et la participation à la production des richesses, pas l'assistanat. Etre libre, c'est être responsable. Un être assisté, c'est le contraire d'un être responsable.

2) Sur les rôles "naturels" de l'Etat

Je suis à 100 % d'accord avec l'objection qui m'a été faite par le même Criticus : il faut y faire figurer l'éducation. L'éducation, et singulièrement l'instruction, sont une condition indispensable de la liberté des individus. Elle fait donc partie des obligations de cet Etat dont le rôle principal et quasi unique est de garantir ladite liberté. Ce fut, dans cet article, un oubli flagrant. Mea culpa !

3) Sur le financement de la protection sociale

L'un de mes commentateurs est revenu sur mon idée de calculer les "charges patronales" non sur les salaires, ce qui pénalise l'emploi, mais sur la valeur ajoutée. L'objection est de dire en substance que les entreprises ou les entités qui n'ont pas de valeur ajoutée ne participeraient pas au financement.

C'est vrai pour ce qui est des administrations et de certaines associations, c'est faux pour la plupart des entreprises. Il ne faut pas confondre valeur ajoutée et bénéfice. Une entreprise déficitaire n'est pas une entreprise sans valeur ajoutée. Si elle paie 100 € ses matières premières et qu'elle vend 120 € son produit fini, elle génère 20 € de valeur ajoutée. Et ce, même si elle ne fait aucun bénéfice, voire si elle fait une perte, à cause des diverses charges d'exploitation.

Cette précision technique posée, je n'ai conservé dans mon raisonnement cette notion de "charges patronales" que pour une raison pragmatique. Les charges "patronales" sont ancrées dans notre perception et dans la culture syndicale au point que les remettre en cause me paraît extrêmement difficile à envisager. Cependant, je suis bien d'accord pour dire, et je l'ai bien expliqué déjà, que ces charges ne sont "patronales" que de nom, et qu'elles sont in fine payées par le salarié, du salaire duquel elles sont déduites de facto par l'employeur.

L'idéal serait donc, en effet, de supprimer totalement ce distingo entre charges salariales et charges patronales, de verser au salarié l'intégralité de son salaire, c'est à dire le salaire brut augmenté des charges patronales actuelles, et comme je l'ai dit mettre en concurrence plusieurs entités pour garantir le risque maladie, la prévoyance et les retraites, avec bien entendu obligation pour le salairé de s'assurer, mais auprès de l'entité de son choix et pour les montants de son choix.

Ces quelques précisons étaient je pense nécessaires, et éclaireront mes prises de positions, que certains ont qualifié de "révolution", et que je qualifierai simplement pour ma part de réformes indispensables et urgentes.


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