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dimanche 21 décembre 2008

Quand il faut trouver un cochon de payant.

La cour de cassation, plus haute juridiction française en matière civile, vient de rendre un arrêt dont vont certainement se féliciter bruyamment les écologistes de tous poils. De quoi s'agit-il ?

Il s'agit de l'affaire de l'Erika, ce pétrolier affrêté par Total, qui avait sombré en février 2000 à quelques encablures du littoral breton, et avait provoqué une énorme marée noire.

La commune de Mesquer, en Loire Atlantique, a été la seule à se constituer partie civile pour obtenir le remboursement des frais de nettoyage de ses plages. Jusque là, rien d'anormal, et je considère même qu'il est tout à fait inadmissible de devoir attendre 8 années pour obtenir un jugement condamnant les responsables à indemniser les victimes. Après être passé par les tribunaux de commerce de Nantes et de St Nazaire, la cour d'appel de Rennes, une première fois la cour de cassation qui se "défosse" sur la cour européenne de justice, puis de nouveau la cour de cassation, qui vient de renvoyer l'affaire devant la cour d'appel de Bordeaux en cassant l'arrêt de celle de Rennes. Inimaginable et pourtant vrai...

Cependant, là où je me sens révolté, c'est moins sur la procédure que sur le fond. Je m'explique.
Dans son arrêt, la cour européenne rend implicitement Total unique responsable de la pollution, en lui imputant la charge de donner droit aux prétentions de la commune de Mesquer. Et notre cour de cassation lui emboîte servilement le pas.

Je ne suis pas juriste, mais en tant que citoyen cette situation me parait a priori totalement ubuesque. Total, dans cette affaire, était l'affrêteur de l'Erika, ni son propriétaire ni son armateur. Or, ce n'est pas la cargaison qui a causé le nauffrage, que je sache ? C'est exactement comme si le client d'un transporteur, dont le chauffeur ivre causerait un accident mortel, était rendu responsable de l'accident au motif que le chargement lui appartient et que la victime l'a reçu sur la tête !

En droit international comme en droit français, s'il me reste quelque chose de mes cours, le principe de responsabilité, au civil, repose sur trois "piliers" : un dommage, une faute, et une relation de cause à effet entre la faute et le dommage. Ici, la faute est prouvée. Je ne connais pas suffisamment le dossier pour savoir s'il s'agit d'une faute de navigation ou d'une faute d'entretien du navire. Le dommage lui-aussi est prouvé, c'est évident. Et la relation de cause à effet n'est pas contestable non plus. Il y a donc bien un responsable, qui doit prendre en charge la réparation (financière) du dommage. Tout ça est parfaitement évident. Ce qui l'est moins, c'est qu'on se trompe de fautif, et donc de responsable. Qui a commis la faute ? Soit le propriétaire du navire (s'il y a défaut d'entretien) soit l'armateur (en tant que commettant du capitaine du navire). En aucun cas l'affretteur !

Seulement voilà, qu'il s'agisse de l'armateur ou du propriétaire, nous avons affaire à des personnes, au sens juridique, qu'il va être bien difficile de faire payer ! L'Erika naviguait sous pavillon maltais, l'armateur était italien, la gestion technique était assurée par une société italienne également, tout comme la société de classification chargée des contrôles. Tout ce beau monde se rejette mutuellement les responsabilités, et c'est au final un imbroglio indémélable. Et quand bien même on arriverait à dévider l'écheveau, il y a gros à parier qu'on tomberait au final sur des insolvabilités notoires...

Alors, bien sûr, la solution est éclatante de simplicité : Total est une entreprise florissante, qui a pignon sur rue, et il est bien plus profitable de la déclarer responsable... Le droit dans tout ça ? Qu'importe ! L'application du désormais sacro-saint principe "polueur-payeur" oblige indiscutablement à trouver un "cochon de payant". Il est tout trouvé et il n'y a qu'à le décréter responsable de la pollution, contre toute logique. Lui, au moins, il est solvable, et on en aura enfin terminé avec les jérémiades des écolos. Eclatant de simplicité, vous dis-je !
Reste une inconnue : la décision qui sera rendue par la cour d'appel de Bordeaux. Mais je ne me fais pas beaucoup d'illusions...

N'étant pas juriste, je le répète, il est possible que je me trompe totalement sur le plan du droit. Si c'est le cas, nul doute qu'un spécialiste viendra me porter la contradiction. Il pourra toutefois difficilement me faire changer d'avis sur le plan de la morale.

Dormez en paix, peuple de France. Votre pays est un état de droit...



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