La loi française de 1995, définit ainsi le principe que je me propose de discuter ici :
"L'absence de certitudes, compte tenu des connaissances scientifiques et techniques du moment, ne doit pas retarder l'adoption de mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles […] à un coût économiquement acceptable."
Sur la base de ce texte, et/ou de l'article 130 du Traité de l'Union Européenne qui dit la même chose en substance, un certain nombre de personnes, et non des moins influentes, prêchent vigoureusement pour le vieil adage "Dans le doute, abstiens-toi". En d'autres termes, dès qu'on aborde un sujet nouveau ou une nouvelle technique, et par conséquent au sujet desquels on n'a pas d'absolue certitude quant aux "effets secondaires" possibles, il parait qu'il est urgent de ne rien faire...
Je suis évidemment d'accord pour dire que la prudence doit être érigée en principe, surtout lorsqu'on manipule des éléments ou des concepts susceptibles de comporter des risques importants pour les individus ou pour l'environnement. Pour s'en convaincre, il n'est qu'à se rappeler les contre-exemples du sang contaminé ou de l'hormone de croissance.
Mais prudence ne signifie pas immobilisme, et avec cette lecture du principe de précaution, Louis Pasteur n'aurait pas pu expérimenter son vaccin contre la rage, Fleming n'aurait jamais osé tester la pénicilline sur l'homme, on n'aurait jamais envoyé un être humain dans l'espace, et les techniques de procréation médicalement assistée seraient restées dans les cartons des chercheurs. Qui sait même si l'on aurait osé se risquer à des greffes d'organes (et si on allait créer des monstres !) ?... Il me semble donc que l'on s'englue dans un luxe de précautions passablement paralysantes et pour la plupart sans aucun fondement scientifique.
L'affaire la plus emblématique en relation avec le principe de précaution, en France actuellement, est ce psychodrame qui concerne les organismes génétiquement modifiés (OGM). Il s'agit essentiellement de productions agricoles, céréales notamment, qui ont subi de la main de l'homme, dans des laboratoires de recherche, une ou plusieurs modifications de leur génome, c'est à dire de leur ADN, dans lequel on a introduit artificiellement des gênes qui leur sont étrangers, provenant soit d'autres plantes soit même du règne animal. Ces modifications génétiques sont destinées, soit à améliorer les rendements, soit à lutter contre des maladies, soit encore à éloigner des prédateurs (insectes principalement).
Ca fait des siècles que l'on fait de la "manipulation génétique" sans le savoir : ça s'appelait la sélection ou l'hybridation. Seulement, on le faisait par des méthodes qui laissaient à penser que tout cela était naturel, puisqu'il s'agissait simplement d'aider des espèces différentes à se croiser entre elles, soit dans l'agriculture soit dans l'élevage. Rien de "sulfureux" en apparence.
Ici, il en va tout autrement, puisque ces modifications du génome ne s'opèrent plus de façon "naturelle", mais dans des laboratoires, dans des éprouvettes, sous des microscopes, autant d'engins "exotiques" pour la plupart des gens, et "qui font peur", consciemment ou pas, au commun des mortels. En tout cas, tout ça ressemble fort à de l'alchimie, et on sait ce qu'est arrivé à Nicolas Flamel par exemple...
Alors, conséquence de tout cela, par crainte réelle ou pour des raisons plus politiques dans le plus mauvais sens du terme, un nombre non négligeable de personnes se sont dressées contre la culture et l'utilisation de ces OGM, se sont organisées en associations et en syndicats, ont réussi à convertir à leurs idées des personnalités influentes, et tout ce beau monde, au nom notamment du fameux principe de précaution, s'oppose par tous les moyens, y compris par la force et dans l'illégalité la plus complète bien souvent, à la culture de ces nouvelles variétés.
En Europe, et en France en particulier, ces cultures ne sont aujourd'hui autorisées que sous l'angle expérimental, mais déjà dans le reste du monde elles sont très largement cultivées, par des agriculteurs dont les coûts d'exploitation, du fait même des modifications génétiques dont nous parlons, sont drastiquement diminués par le fait qu'ils ont à utiliser beaucoup moins de traitements et autres insecticides. C'était le but de l'opération et il est parfaitement atteint. Or, malgré ces cultures à grande échelle, on n'a pas à ce jour constaté d'accident, d'épidémie ou autre catastrophe liés aux OGM. Même si ce n'est pas une "preuve par défaut" comme tentent de le faire admettre abusivement les semenciers, cela introduit un doute bien plus que raisonnable sur la nocivité de ces cultures. L'adoption de "mesures effectives et proportionnées visant à prévenir un risque de dommages graves et irréversibles" semblent donc hors de propos. Et pourtant, on en est encore au point où, en France, les cultures OGM sont quasiment interdites, par crainte de contamination des autres cultures. Non seulement nos agriculteurs sont ainsi les otages de ce fameux principe de précaution, et sont fragilisés sur les marchés mondiaux par manque de compétitivité, mais, encore bien pire, nous laissons les chercheurs d'autres pays mettre au point les nouvelles semences, encore plus pointues du point de vue du génie génétique, et qui feront l'agriculture du 22° siècle.
La principale précaution qui me paraisse indispensable et urgente à prendre en la matière, c'est d'oublier le principe de précaution, qui est en train de nous faire plonger dans les abysses de la non-compétitivité, d'un point de vue économique comme d'un point de vue scientifique. Nous somme devenus un peuple qui a peur de tout, et un peuple qui a peur est un peuple qui n'avance plus, et donc qui recule...
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mardi 22 avril 2008
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