Voilà encore une "affaire" qui n'en est pas une à la base, mais qui est montée en épingles par les journalistes. Avec l'aide des avocats de la défense. Et je m'insurge autant contre l'interprétation journalistique que contre l'opportunisme des avocats, qui font mine d'être d'accord avec les propos de la presse alors que, en juristes qu'ils sont supposés être, et s'ils étaient sincèrement sur la même longueur d'onde que les chroniqueurs, ils ne mériteraient tout simplement pas la robe qu'ils portent...
Je veux parler de cette affaire de Villeneuve d'Asq, jugée aujourd'hui, et qui met en cause un docteur en médecine de 37 ans impliqué a posteriori dans un braquage.
Le braquage a eu lieu le 15 septembre 2005 contre un fourgon de transport de fonds qui contenait 671 000 euros. Les malfaiteurs manquent leur coup, et les deux braqueurs s'enfuient, blessés. L'un d'eux a besoin d'une opération chirurgicale pour extraire une balle, qui a pénétré dans son épaule et qui s'est logée dans son thorax.
Sous la menace des deux braqueurs, un certain docteur Sadek F. pratique cette intervention avec des moyens de fortune, l'intéressé refusant d'être conduit à l'hôpital.
Jusque là, rien d'anormal ni déontologiquement ni légalement. Ne serait-ce que le très célèbre serment d'Hippocrate, pour ne parler que de lui et sans même aborder l'aspect moral et humain de la situation, obligeait le docteur à pratiquer l'opération.
Là où il s'est mis dans l'illégalité, c'est qu'il n'a pas prévenu les autorités, comme l'y oblige la législation. Et c'est pour cette seule raison qu'il est jugé aujourd'hui. A ce titre il est tout à fait normal qu'il soit poursuivi, et condamné : nul n'est fondé à se dérober à une obligation légale.
Mais quand on lit la presse, quand on écoute la radio, quand on regarde la télévision, c'est un tout autre raisonnement qui nous est asséné. Tout le landerneau médiatique s'insurge à l'envi, contre cette justice qui poursuivrait le bon samaritain au motif qu'il aurait secouru un hors-la-loi...
L'avocate du prévenu se fend même d'un commentaire aux termes duquel un jugement de condamnation signifierait à l'intention des autres praticiens (dixit) "Si vous vous trouvez dans la même situation, laissez crever votre patient". Quelle honte pour un professionnel du droit ! Le docteur n'est pas poursuivi pour avoir soigné le malfaiteur, mais pour avoir manqué à son devoir de déclaration d'une blessure par balle. Cette avocate pense-t-elle vraiment que son rôle est de travestir la réalité, même si elle croit à tort que c'est dans l'intérêt de son client ? Si c'est vraiment le cas, elle ferait mieux de quitter tout de suite sa charge d'avocate. Ce serait profitable à ces futurs infortunés clients...
Il y a déjà quelques temps, j'avais évoqué le pouvoir médiatique. Cette affaire est emblématique d'un aspect encore plus incidieux que ce que je dénonçais alors : celui du pouvoir de déformation de la réalité, à des fins purement commerciales comme peut être ici (plus on fait dans le sensationnel et plus on vend, évidemment...), ou à des fins politiques dans d'autres cas très fréquents.
Je suis proprement révolté, et pas seulement dans cette affaire en particulier, contre la déformation intentionnelle de la vérité par ceux qui sont justement en charge de la diffuser. C'est inexcusable, et c'est dangereux. Combien d'auditeurs, de lecteurs, de téléspectateurs, auront compris "l'erreur" ? Très peu évidemment. Et c'est tout simplement, de la part de ceux qui détiennent de fait le très puissant pouvoir médiatique, un forfait contre l'honneur de la charge qui est la leur.
On enseignait dès l'école, jadis, ce qu'était la conscience professionnelle. Et on sanctionnait sévèrement ses manquements. On ferait bien d'y revenir, me semble-t-il...
Ce billet était publié sur mon ancien site. Commentaires ici
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jeudi 19 juin 2008
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