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lundi 2 juin 2008

Quand réagira-t-on ?

Je viens de vivre une expérience affligeante sur laquelle je voudrais provoquer la réflexion de mes lecteurs.

J'avais lu dans un journal local qu'une association, dont le nom ne donnait pas une idée précise de ses activités, recherchait des bénévoles. Il s'agissait, disait l'article, d'aider des personnes en difficulté dans leurs démarches administratives ou pour la rédaction de courriers officiels.

D'un naturel plutôt altruiste, et fort d'une expérience passée dans le monde associatif qui m'a laissé d'excellents souvenirs, j'ai pris rendez-vous dans le but d'obtenir plus d'informations, dans l'optique d'une éventuelle collaboration (bénévole).

Arrivé à mon rendez-vous, et au contraire d'avoir affaire à quelqu'un qui puisse répondre à mes questions, je fus introduit directement dans le petit bureau où sont reçues les personnes qui demandent de l'aide, et où se trouvait d'ailleurs l'une d'elles.

Invité à participer à l'entretien, j'eus donc tout le loisir de découvrir la réalité de cette association. Je le répète, j'ai une expérience passée du monde associatif, et je voudrais insister sur le fait que cet article n'est pas destiné à le dénigrer. Bien au contraire, les associations font pour la plupart un travail magnifique, et sont bien plus un instrument de solidarité que les organismes officiels financés à grands renforts de prélèvements aussi obligatoires que trop souvent inutiles.

Sur le fond, le but que s'est fixé cette association en particulier est louable et part d'un bon sentiment. Il s'agit d'aider les personnes qui se trouvent en difficulté à frapper aux bonnes portes pour obtenir les réponses à leurs problèmes. Malheureusement, la réalité est bien éloignée de la théorie.

Dans les faits, le petit bureau où j'ai été reçu n'est qu'un "bureau des pleurs" où chacun vient le plus souvent en dernier recours chercher l'aide illusoire qu'ils n'ont pas reçue ailleurs. Ca peut facilement se concevoir, et même ça pourrait avoir une fonction sociale positive, si toutefois les réponses étaient adéquates et honnêtes.

Hélas, je me suis trouvé tout un après midi devant des gens qui avaient chacun un problème réel, qui d'emploi, qui de dépendance, qui encore de "fins de mois difficiles", des gens qui avaient épuisé tous les recours et qui n'avaient pas trouvé de solution, et qui mettaient dans cette association leurs derniers espoirs. Mais "à l'impossible nul n'est tenu", comme dit si bien le proverbe, et l'association dont je vous parle n'est ni le Bon Dieu ni un repère de magiciens. Les problèmes exposés par les trois ou quatre personnes reçues ce jour-là avaient plusieurs points communs : ils étaient le fruit chaque fois d'un comportement laxiste ou imprudent, les "aides publiques" soit n'existaient pas dans leur cas, soit avaient été épuisées, et de toute évidence personne n'avait eu jusque là le courage de le leur dire...

Il est tout à fait affligeant, en passant, de constater que certains puissent se trouver dans de telles situations malgré le niveau de prélèvements obligatoires que nous subissons, et ce n'était pas le lieu d'entrer dans la considération du pourquoi et du comment de la faillite de cet Etat Providence qui se targue pourtant de vouloir palier toute la misère du monde et qui, bien entendu, n'y parvient pas. Je me suis évidemment gardé d'intervenir, n'étant là de mon point de vue que comme observateur, mais les réponses dont j'ai été le témoin m'ont tout simplement révolté intérieurement.

Pensez-vous que les "assistantes" ont tenu à l'égard de ces pauvres gens, le discours responsable qui eût consisté à les inciter à modifier leur comportement, à cesser de se comporter en assistés perpétuels et à se tourner enfin vers des solutions actives ? Et bien non, c'est exactement le contraire que j'ai entendu : "Il est tout à fait anormal que vous ne puissiez plus espérer de nouvelles aides", "Il faut faire une demande exceptionnelle au bureau d'aide sociale", "Nous allons vous faire un modèle de lettre pour contacter le maire de votre commune, ou le conseiller général, ou le député de la circonscription", "Avez-vous pensé à contacter tel organisme : ils ont un fonds social", etc..

Cerise sur le gâteau, et renseignement pris après cet après-midi éprouvant, j'ai appris que l'association en question touchait une subvention (sur des fonds publiques évidemment) de plusieurs dizaines de milliers d'euros pour son fonctionnement. Encore un emploi bien étudié et bien efficace de nos impôts...

Voilà dans quel monde nous vivons : on a habitué les gens à vivre sous perfusion, au point que certains d'entre eux trouvent tout à fait naturel de recevoir en permanence des subsides, même peu importants, même insuffisants, mais comme une sorte de "parapluie social" permanent qui leur éviterait de faire l'effort de subvenir à leur propre subsistance. Et quand le parapluie se referme, quand le robinet des allocations publiques se tarit, non seulement ils se retrouvent désemparés et perdus dans un monde devenu hostile, non seulement ils ont tendance à se révolter contre la société dont ils ont le sentiment qu'elle les abandonne, mais encore ceux qui se donnent pour tâche de les aider n'ont pas le courage de leur dire en face que la société ne peut pas en permanence leur maintenir la tête hors de l'eau, et qu'il leur appartient de faire un minimum d'efforts...

Il serait tellement plus efficace, et je dirais plus humain, de leur tenir un discours de vérité, tout en les aidant à mettre en oeuvre un projet de sortie de leur crise personnelle où ils tiendraient le rôle principal et où ils seraient enfin les acteurs de leur propre existence !

Alors, pourquoi ne le fait-on pas ? Je n'ai pas la réponse, et je n'ai que le sentiment que m'a laissé cette expérience. Mais ce sentiment est très net, et s'appuie sur les discours qui ont été tenus en ma présence et sur le climat général dans lequel se sont déroulés les entretiens. Tout ce petit monde, "aidants" comme "aidés", est pronfondément englué dans la philosophie de l'assistanat, et tout se passe comme s'il était naturel que la société prenne en charge sans freins tous ceux qui sont dans le besoin. Comme si le mot solidarité signifiait redistribution automatique de la richesse créée par le travail des uns en direction des besoins inassouvis des autres. Et comme s'il était inadmissible que cette redistribution connaisse des limites. Et lorsque les limites légales sont atteintes, comme s'il était naturel que l'on mette en oeuvre de nouveaux mécanismes, au pied levé, pour les transgresser.

C'est cet état d'esprit désastreux qui nous conduit "droit dans le mur" : cet assistanat organisé et sans limites détruit chez beaucoup le goût de l'effort comme le sentiment de la responsabilité de soi, et suscite chez les autres le sentiment de travailler "pour le roi de Prusse" comme l'on disait jadis. Il détruit donc de manière incidieuse les efforts des uns comme des autres, et est sans aucun doute le facteur premier de notre croissance molle.

Quand réagira-t-on, et traitera-t-on les citoyens en adultes ? Quand laissera-t-on aux actifs la liberté de profiter des fruits de leur activité, sans les confisquer à l'illusoire profit des autres. Quand cessera-t-on de prendre autoritairement aux uns pour donner aux autres ? Quand osera-t-on dire en face à chacun qu'il ne peut pas vivre éternellement à la chagre de tous ?


Ce billet était publié sur mon ancien site. Commentaires ici

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