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mercredi 1 avril 2009

Un Etat de non-droit

J'ai beaucoup hésité avant de prendre la plume pour traiter encore du sujet. J'ai déjà "pondu" deux billets sur le thème des "patrons", et je me disais que ce serait peut-être un peu "lourd" d'insister là-dessus...

Mais en voilà décidément assez ! Non contents de "se payer" des boucs émissaires faciles en la personne des grands dirigeants à qui on reproche de tout simplement tenter de percevoir ce que leur contrat de travail prévoit en termes de rémunérations, même s'il s'agit dans certains cas de sommes très importantes, voilà que, par trois fois en quelques jours, certains "salariés en colère", utilement soutenus par leurs syndicats, s'en prennent, physiquement cette fois, aux dirigeants de leur site industriel. Car il ne s'agit même plus maintenant des "grands patrons" de la Générale ou de Valéo, ou des traders de grandes banques, que l'on fustigeait et que l'on invectivait. Il s'agit ces jours-ci de patrons de sites locaux, c'est à dire des sous-fifres des véritables décideurs, que l'on séquestre sans vergogne...

Après Sony et 3M, c'est au tour de Caterpillar. Dans les trois cas, "l'action syndicale" (!...) consiste à prendre en ôtage le "patron" pour tenter de le forcer à satisfaire certaines revendications. Et c'est à dessein que j'utilise ce terme de "prise d'ôtage", que l'on va évidemment me reprocher du côté des irresponsables pour qui enfermer quelqu'un de force est quelque chose de tout à fait anodin, au prétexte qu'il n'y a pas de menaces explicites sur l'intégrité physique de la victime. Mais même si la menace n'est pas exprimée, elle est bel et bien ressentie, tant par l'intéressé que par son entourage, et quant à moi je ne fais aucune différence.

Il faudrait bien un jour que l'on se décide à apliquer la loi, dans ce pays que l'on dit "de droit" et dans lequel, pourtant, l'impunité est devenue la règle dès que le criminel fait partie d'un groupe d'individus que la bien-pensance molle et coupable protège. Qu'un petit commerçant victime d'un mauvais payeur, ou qu'un petit propriétaire à qui des loyers sont dus, tentent de contraindre par la force leur débiteur à s'exécuter, et gageons que, plainte déposée, ils finiront l'un et l'autre devant le tribunal et perdront leur procès. Et pourtant ceux-là avaient bien subi un dommage... Mais personne n'est autorisé à se faire justice à soi-même, et c'est fort heureux.

Personne ? Voire... C'est exactement ce que font les salariés séquestrateurs dont nous parlons, alors même que leur préjudice n'est ni certain ni liquide, pour employer les termes du Code Civil. Et pourtant non seulement la presse unanime relate les faits dans des termes qui, dans le meilleur des cas, laissent planer le doute sur l'opinion que se fait le journaliste du bienfondé de la prise d'ôtage, mais encore les autorités ne lèvent pas le petit doigt...

Paul, de Freelance, a bien posé le problème juridique dans un très bon article.

Sur le fond, et pour en revenir aux fondamentaux, je peux parfaitement comprendre le désarroi, et même la désespérance, de salariés à qui, dans le contexte actuel surtout, on apprend que leur site va fermer, ou qu'à tout le moins ils vont perdre leur emploi. Je peux parfaitement comprendre même leur colère, quand (c'est le cas chez Caterpillar parait-il) leur direction ne leur donne pas d'explications, et qu'ils ne connaissent pas la raison profonde de la décision. Je peux parfaitement comprendre qu'ils désirent, et même qu'ils exigent, qu'on leur donne ces explication. Je peux même comprendre qu'ils éprouvent le besoin de discuter, voire de contester cette décision. Je peux parfaitement comprendre l'exigence de négociations. Et si, comme on nous le dit, cette négociation et cet échange n'ont pas eu lieu, si la direction s'y refuse et si le dialogue n'existe pas, chacun peut admettre que les syndicats incitent leurs adhérents à l'exiger. L'entreprise n'est pas un goulag et le travailleur n'est pas un esclave que l'on utilise puis que l'on jette sans égard quand on n'en a plus besoin.

Mais l'enterprise n'est pas non plus une oeuvre sociale, et n'a pas pour seule vocation de fournir des salaires. Et si l'activité disparait, si un site devient non-rentable et donc inutile, il est tout à fait normal de le fermer. Il n'est aucun entrepreneur, aucun patron d'industrie, ni même aucun investisseur, qui le fasse de gaîté de coeur, ne serait-ce que parce qu'un site fermé est non seulement un site qui ne rapporte plus rien, mais un site qui coûte. D'abord en tant qu'usine au chômage, et ensuite quand l'entreprise s'en sépare à vil prix, ce qui est la majorité des cas. Contrairement à ce que l'on entend à longueur de temps, ce n'est donc jamais avec satisfaction qu'une entreprise licencie, fût-ce pour délocaliser. C'est contrainte et forcée qu'elle le fait. Je ne connais aucun entrepreneur intelligent qui préfère licencier qu'embaucher. Mais c'est le volume d'activité qui commande, pas le sort des hommes ni les bénéfices déjà engrangés. Une entreprise est en permanence tournée vers l'avenir. C'est la condition de sa survie. Et le sureffectif est un cancer, surtout dans un pays où 54% de la richesse produite est redistribuée...

Si j'ai un peu digressé de la sorte, c'est pour bien expliquer que le patron n'est pas cet ogre seulement assoiffé de bénéfices que l'on nous présente à longueur de temps, et que si perdre son emploi peut être désespérant, la décision s'impose, même si les intéressés peuvent avoir le sentiment inverse.

Discuter pour connaître les causes des licenciements est une chose, négocier pour obtenir de bonnes conditions de départ, si l'enteprise peut se le permettre, peut bien entendu se comprendre. Mais user de la force en toute illégalité est inadmissible. Tout comme il est inadmissible que le droit ne soit pas respecté, et que la justice ne remplisse pas son office.

Une séquestration n'est pas une action syndicale, c'est une action illicite et répréhensible, et qui à ce double titre doit être sanctionnée.

De quel droit devrait-on laisser faire ? Où est le respect de la personne ? Où est le respect de la propriété privée ? Dans quel état de droit vivons-nous ? Ou plutôt dans quel état de non-droit ?



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