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vendredi 7 décembre 2007

Le droit de grève

Dans la plupart des pays libres, le droit de grève est inscrit dans la constitution. Il s'agit d'une disposition législative qui permet aux salariés de cesser le travail en signe de manifestation de leur mécontentement par rapport à leurs conditions de travail, leurs rémunérations, etc... Et ainsi de faire pression sur leur employeur pour obtenir de nouveaux avantages. Il n'y a pas de liste exhaustive des raisons possibles d'une grève.

Cependant, ce droit de grève est très réglementé, et par exemple une grève, pour être légale, doit faire l'objet d'un préavis dont la durée est fixée par la loi.

Il va de soi que je suis tout à fait d'accord avec l'existence de ce droit de grève, qui est un garde-fou important contre les abus possibles des employeurs, abus qui ont pu être largement constatés dans le passé, y compris dans un passé récent.

Cependant, je tiens à émettre avec force un certain nombre de réserves, et de principes à respecter selon moi sans concession :

1 - Le droit de grève est un droit de cesser le travail et rien d'autre. Cela signifie qu'un certain nombre d'actions communément entreprises par les grévistes depuis des lustres, et de plus en plus aujourd'hui semble-t-il, sont totalement inacceptables.
Il s'agit notamment du blocage des lieux de travail, à commencer par les "piquets de grève", des dégradations commises soit sur l'outil de travail, ce qui est finalement assez rare, soit encore sur les immeubles et les installations publiques ou privées situés sur le parcours des manifestations dont s'accompagnent les mouvements de grève, et en résumé de tout acte violent ou délictueux, même lié au mouvement de grève lui-même. Ce qui se produit pourtant souvent dans les faits...
Un acte délictueux quel qu'il soit, dans le cadre d'un mouvement social ou pas, reste délictueux, et devrait être sanctionné en tant que tel, sans aucune exception. Endommager ou détruire une partie quelconque de l'outil de travail, séquestrer un responsable, détruire des documents quels qu'ils soient, ne sont pas des "actions syndicales" comme on l'entend trop souvent. Ce sont des actes crapuleux qu'il faut sanctionner sans complaisance.
Même le blocage des locaux devrait être sanctionné pénalement, en ce sens qu'il constitue un obstacle à la liberté de travail. Pendant une grève, les non grévistes doivent pouvoir travailler sans entrave. Et il me parait tout à fait normal, en cas de blocage prolongé, de faire intervenir les forces de l'ordre pour "déloger" les bloqueurs, qui devraient en outre dans ce cas être immédiatement déférés à la justice...

2 - Le droit de grève n'est pas celui de bloquer l'économie du pays, ni de bafouer la liberté des autres citoyens en paralysant certains éléments vitaux pour le fonctionnement de la société. Je veux parler ici des services publics.
Lors des grands "mouvements sociaux", ceux qui sont les plus médiatisés et donc les plus prisés par les organisations syndicales qui y voient un bon de moyen de (enfin...) se donner de l'importance, on n'entend, dans la bouche des dirigeants de ces organisations, que les mots de service public, à tous les plats et à toutes les sauces. Ce vocable est pratiquement érigé en religion dans les discours dont ils nous rebattent les oreilles. Ils feignent simplement d'oublier que "service public" signifie "être au service du public", notion à ne pas confondre avec celle de "secteur public", qui n'a aucun rapport et qui désigne les entreprises placées sous l'autorité de l'état ainsi que les administrations.
Dans les faits, c'est le plus souvent le "secteur public" qui a en charge les "services publics", mais d'une part on se demande bien pourquoi ça devrait être systématiquement le cas, et d'autre part les deux notions sont radicalement différentes.
Dans ce domaine particulier du service public, donc, la réglementation du droit de grève doit à mon sens être aménagée, et drastiquement encadrée. Un premier pas vient d'être franchi avec la loi présentée à tort comme celle du "service minimum" dans les transports terrestres, mais ce premier pas est bien trop timide, et je pense pour ma part qu'il faudra très rapidement aller beaucoup plus loin. Ces dispositions qui instaurent notamment une obligation de négociation avant la grève sous peine de la rendre illégale et un préavis de 48 heures à la charge des futurs grévistes sous peine de sanctions, devrait être la règle pas seulement dans les transports, mais dans tous les services publics, et pourquoi pas à terme dans tous les secteurs de l'économie ?
En outre, et concernant le seul secteur des transports, publics ou non, un vrai service minimum devra être institué. Celui-ci, comme c'est le cas déjà dans plusieurs pays où les syndicats ouvriers ne sont pas forcément, et loin de là, moins puissants qu'en France où donc il est tout à fait possible d'en faire autant, devrait consister en deux plages horaires (de l'ordre de 3 h le matin et 3 h le soir) durant lesquelles le trafic serait obligatoirement normal à 100 %. Il s'agit des plages horaires dans lesquels les citoyens se déplacent le plus, notamment pour se rendre sur leur lieu de travail. Les transports du publics sont par nature un service public, c'est-à-dire un devoir régalien envers les citoyens ! Traitons-le comme tel...

3 - Comme je l'ai rappelé plus haut, le droit de grève est un droit au bénéfice des salariés pour faire valoir avec force leurs positions et leurs besoins vis à vis de leur employeur. A partir de là, que signifie l'expression "faire grève" quand on est étudiant ou lycéen ? Je fais partie de ceux qui, un certain mois de mai 1968, ont lancé un mouvement étudiant qui a dégénéré ensuite dans le mouvement social que l'on sait. Nous n'avons jamais, nous-autres étudiants qui avons lancé ce mouvement à l'origine, parlé de grève.
Un mouvement revendicatif estudiantin n'est pas une grève, et n'est donc en aucune façon régi par les dispositions législatives et réglementaires qui concernent le droit de grève. Que les "étudiants en colère" se fédèrent en organisations revendicatives, qu'ils appellent ces organisations du terme de "syndicats", pourquoi pas ? Que ces "syndicats" se réclament des mêmes prérogatives que les syndicats ouvriers, certainement pas ! Qu'ils exigent à leur endroit l'application des règles concernant le droit de grève, que nenni ! Les mouvements étudiants et lycéens (et je me demande bien ce que sont ces parents qui laissent leurs ados s'engager dans de telles "galères" auxquelles ils ne comprennent bien souvent rien ou presque...) sont des mouvements revendicatifs et rien d'autre. Respectables, certes, qu'il faut sans doute écouter, tâcher de comprendre, essayer de satisfaire quand c'est possible et quand c'est souhaitable, y compris pour eux, mais on ne saurait leur donner l'importance d'un vrai mouvement de grève. Il faut raison garder, et il parait logique de considérer que ceux à qui l'effort d'éducation est destiné ne sont pas ceux qui sont capables, et en tout cas fondés, à en fixer les modalités...
Enfin, dans ce cadre également, le blocage des lieux de travail, ici des lieux d'enseignement, c'est à dire les facultés, est une entrave inadmissible à la liberté de travail des professeurs et à la liberté d'étudier des "non grévistes". Il s'agit d'un acte délictueux qu'il faut faire stopper par la force si nécessaire, et sanctionner pénalement dans tous les cas.
S'agissant des lycéens particulièrement, qui sont pour la quasi totalité d'entre eux des mineurs, c'est bien entendu les parents qu'il faut mettre en cause. Leur responsabilité est entière par rapport au comportement de leurs enfants et, en cas de dégradations par exemple, c'est pécuniairement qu'il faut les impliquer. Rappelons une disposition légale qui n'est quasiment jamais appliquée : le service des allocations familiales est en principe subordonné à la scolarisation effective des enfants, et donc à leur assiduité aux cours. A bonne entendeur...

4 - La grève, même si ce n'est pas aujourd'hui inscrit dans la loi fondamentale, est le moyen de pression extrême sur les décisions de l'employeur. La notion de grève préventive est donc une hérésie. Ce terme n'est quasiment jamais employé par les organisations syndicales, mais on entend souvent qu'une grève est décidée "pour peser sur les négociations". Autrement dit, la négociation n'est pas terminée, elle est en cours dans le meilleur des cas mais pas toujours, et on décide d'une grève pour "montrer ses muscles". C'est tout simplement inacceptable ! Le droit de grève n'a pas été institué pour cela. C'est beaucoup plus sérieux que ça !...
A mon sens, et c'est ce qui est inscrit dans la toute dernière loi concernant les transports publics terrestres dont je parlais plus haut, la grève ne doit être décidée qu'en cas d'échec des négociations. On discute d'abord, et on fait grève ensuite si on ne s'est pas mis d'accord, et pas l'inverse !

5 - Dernière réflexion à mon avis d'une extrême importance : quand la grève est lancée, la question se pose toujours de savoir à quel moment, et dans quelles conditions, on décidera d'y mettre fin. En effet, l'esprit de surenchère s'installe presque toujours, et même si les négociations amènent à obtenir ce pourquoi la grève a démarré, on trouve toujours quelque chose de plus à réclamer, et la machine repart...
Mettre fin à une grève, ça se décide quelquefois au niveau de la direction du ou des syndicats concernés, mais le plus souvent, même dans ce cas, la décision finale et effective revient aux salariés en grève "sur le terrain". Et là, il se met en oeuvre le plus souvent une procédure inacceptable. Ces réunions, qui sont abusivement dénommées "assemblées générales" alors qu'elles ne regroupent qu'une minorité de grévistes, prennent la décision d'arrêter ou de continuer le mouvement à main levée. Dans ces conditions, chaque "votant" est bien évidemment très fortement influencé par tous les "camarades", selon la terminologie habituelle, qui se trouvent autour de lui. Et c'est ainsi que le résultat du vote est lui même fortement influencé par les plus persuasifs, les "meneurs".
Avec ce système, le résultat du "scrutin" ne reflète en rien, et en tous cas pas de manière fiable, l'opinion de la majorité des grévistes.
La seule méthode de scrutin fiable et démocratique, ici comme ailleurs, est le vote à bulletin secret. Et de plus, il doit selon moi être ouvert à tous les salariés concernés par le conflit, pas uniquement aux grévistes, et encore moins à quelques grévistes réunis pour l'occasion.

Voilà ce que j'avais à dire, pour le moment, au sujet du droit de grève. Pendant la rédaction de ce message, il m'est venu en tête quelques autres réflexions, mais qui sont plus d'ordre économique, et je les exprimerai donc plutôt dans cette catégorie, très prochainement sans doute.

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